L’Allemagne fait face à deux élections régionales très attendues dimanche 1er septembre : dans les régions de l’est du pays, la Thuringe et la Saxe. Si les attentes et sondages se confirment, le poids de l’extrême droite et la percée d’une nouvelle force pourraient rabattre les cartes et rendront plus que jamais la constitution de coalition très complexe.
Avec notre envoyé spécial en Thuringe, Pascal Thibaut
Une chose est sûre : la coalition d’Olaf Scholz ne sera pas à la fête dimanche soir. Avec environ 15 % attendus en Thuringe et en Saxe pour les sociaux-démocrates du chancelier, les verts et les libéraux ensemble, le désastre est annoncé. La survie parlementaire des uns ou des autres n’est même pas assurée. À un peu plus d’un an des élections générales, ces scrutins ne vont pas remonter le moral d’une coalition impopulaire.
Les grands gagnants seront les forces anti-système – l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), et l’Alliance Sahra Wagenknecht (BSW) – traduisant par là l’insatisfaction et les inquiétudes de nombreux électeurs. L’extrême droite de l’AfD est créditée dans les sondages de 30 % des voix dans chaque région, mais n’aura pas d’alliés pour gouverner.
Il y a un effet quand même politique assez cinglant vis-à-vis de la coalition en place. Ce d’autant plus que les élections européennes ont déjà été mauvaises pour les partis de la coalition. L’autre élément important, c’est, je crois, la façon dont les partis, qui vont réaliser de très bons scores – l’AfD et le BSW –, vont aussi peser aussi au niveau fédéral…
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Julien Chavanne
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La percée attendue du BSW
Le nouveau parti BSW de Sahra Wagenknecht lancé en janvier pourrait faire une percée spectaculaire, avec 18 %, selon les sondages. Avec un programme social, une politique migratoire dure et un rejet des aides à l’Ukraine, cette nouvelle force séduit et pourrait bien jouer les faiseurs de rois lorsqu’il faudra laborieusement former des coalitions.
« Le parti de gauche Die Linke a perdu la confiance des électeurs en Thuringe. Nous nous adressons à ceux qui sont déçus, qui se sentent oubliés, qui ont l’impression que les problèmes des petites gens sont négligés », explique Katja Wolf. Elle est désormais à la tête de lice du nouveau mouvement BSW en Thuringe après des années au sein de Die Linke. La percée que connaît le parti se fait majoritairement au détriment du parti de gauche qui dirige la Thuringe depuis dix ans.
Le mouvement, 70 membres encartés en Thuringe, a été lancée par une figure de la gauche allemande, Sahra Wagenknecht, qui a longtemps appartenu à l’aile orthodoxe de son parti avant de le quitter. La star des talk-shows est l’argument principal de BSW et son visage est affiché partout.
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Une alliance du BSW avec la CDU ?
La CDU peut espérer reprendre la Thuringe au parti de gauche, en perte de vitesse, et conserver la Saxe avec des alliances sans doute baroques. Elle pourrait bien gouverner avec cette nouvelle force. « Le BSW est une “boîte noire” pour nous, parce que ce qu’ils veulent n’est pas vraiment clair, mais il faut parler avec eux. C’est évident », juge Jonas Urbach, député chrétien-démocrate au Parlement régional.
Cette possible alliance de la carpe et du lapin, rendue nécessaire par une extrême droite puissante, est loin d’aller de soi. Si tel est le cas, cela confirmera la position du patron des chrétiens-démocrates Friedrich Merz dans la course à la chancellerie l’an prochain.
L’inquiétude du patronat d’une montée des extrêmes
Si les élections en Saxe et en Thuringe devraient se traduire par une victoire de l’extrême droite, ces succès inquiètent les milieux économiques. Depuis plusieurs mois, ils n’hésitent pas à faire campagne contre les risques que signifie pour elles l’Alternative pour l’Allemagne pour leur pays et leurs affaires.
Dans un supermarché de Thuringe, des photos de fruits et légumes sur une page entière et au centre un commentaire : « Pourquoi nous n’avons de bleu en rayon ? » La publicité ces jours-ci de la chaîne de supermarchés Edeka était une allusion directe au parti d’extrême droit AfD associé à la couleur bleue. Comme cette entreprise, des dirigeants de sociétés et des fédérations professionnelles prennent publiquement position contre l’Alternative pour l’Allemagne et son programme.
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La population dans l’ex-RDA est plus vieillissante que dans le reste du pays. Les besoins en main-d’œuvre sont déjà important et le seront encore plus, notamment dans les zones urbaines dynamiques. Mais ce n’est pas simple d’attirer des personnes dans une zone où l’extrême droite engrange 30 %.
Stefan Träger, le PDG de la société Jenoptik à Iéna a lancé une campagne pour une Thuringe tolérante. « Nous le remarquons. Si nous contactons une personne de couleur, qu’elle soit indienne ou vive dans la partie ouest de l’Allemagne, sa première réaction est de dire : “Mon Dieu, que voulez-vous que j’aille faire en Thuringe ?” », explique-t-il.
L’AfD n’apprécie guère ces campagnes comme celle des entreprises familiales « Made in Germany ! Made by Vielfalt ! », soit la diversité. Le patron régional de l’AfD a souhaité à ces entreprises de péricliter.
La Thuringe, championne du climat et de l’environnement
En matière de protection de l’environnement et de lutte contre le changement climatique, la Thuringe fait figure de pionnière en Allemagne, souligne Stefanie Schüler du service environnement de RFI. Mais ses très bons résultats risquent d’être compromis en cas de changement de son équipe gouvernementale.
Depuis la réunification de l’Allemagne en 1990, la Thuringe a baissé ses émissions de CO2 de 63 %. Aucun autre Land ne lui arrive à la cheville. Parmi les facteurs de cette réussite : la fermeture de secteurs industriels hérités de l’ex-RDA, la fin du chauffage au charbon et le développement constant des énergies renouvelables qui représentent aujourd’hui 62 % de l’électricité produite dans cette région. « La Thuringe a été le premier Land d’Allemagne à adopter une loi sur le climat en 2014, un texte très complet et qui couvrait tous les aspects », explique Kai Totsche, hydrologue et membre du conseil climat de Thuringe.
Ce Land pourrait même devenir le premier en Allemagne à atteindre la neutralité carbone. Pour cela, il faudrait entre autres poursuivre l’expansion des éoliennes et des parcs photovoltaïques et garantir des investissements fiables dans la rénovation thermique des bâtiments. Mais une possible percée des partis climatosceptiques pourrait compromettre ces ambitions.
« L’Alliance Sarah Wagenknecht et l’AfD ont des taux d’approbation dramatiques. C’est la mort de la politique climatique », déplore Kai Totsche. Après une campagne électorale marquée par des questions migratoires, le Conseil climat de Thuringe a publiquement appelé les électeurs à considérer le changement climatique comme le principal enjeu de leur vote ce dimanche.
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