Le Sommet de la Francophonie se tient en France et réunit des chefs d’État et de gouvernement aux français tous différents. Marc Chalier*, maître de conférence en linguistique française à La Sorbonne, s’est penché sur les normes de prononciation du français et explique qu’en matière d’accent, tout est souvent une histoire de perspective.
RFI : Comment en êtes-vous venu à vous intéresser aux accents de la francophonie ?
Marc Chalier : C’est surtout dû d’abord à mon éducation bilingue. J’ai grandi dans une famille bilingue français-allemand et j’ai commencé à m’intéresser à des questions qui tournaient autour de la langue, à des questions de traduction, d’équivalence entre les langues. Et puis c’est aussi lié à mon origine géographique. Je viens de Suisse romande, et c’est un endroit où on a un accent suisse qui est bien connu en France. Et c’est un petit territoire. Mais où l’on a vraiment une hétérogénéité des accents qui est assez grande. Je pense que ça, ça m’a ouvert les yeux au fait que dans la francophonie, on peut avoir une diversité très, très, large des accents.
D’où viennent les accents et que nous racontent-ils ? Comment les Parisiens en sont-ils venus à parler « pointus » par exemple ou les Québécois à s’exprimer avec cet accent qu’on trouve étrange ici en France ?
L’histoire des accents est vraiment très différente d’une région à l’autre. Si on regarde l’histoire des accents en Europe d’abord, il faut savoir que le français n’est pas parlé en France ou en Belgique depuis très longtemps. Avant, on parlait plutôt des dialectes. Le français s’est établi dans le courant du XXᵉ siècle. Mais il y a des petits restes de ces anciens dialectes qu’on retrouve dans les accents régionaux.
Si maintenant on regarde en Amérique du Nord, donc au Québec, en Acadie, là, on a des situations qui s’expliquent par le fait que les colons qui sont allés coloniser le Canada, à l’époque, ils venaient de l’ouest de la France, du nord de la France et du centre de la France, surtout de Paris, et ils ont apporté avec eux certains traits de prononciation, qui n’existent plus maintenant en Europe, mais qu’on retrouve au Québec et dans certains dialectes justement de France. On a par exemple le « r » roulé qui était initialement utilisé dans certaines zones rurales et populaires de l’ouest et du nord de la France, qu’on retrouve à Montréal à l’heure actuelle.
Si on évoque maintenant le français subsaharien, donc le français qu’on parle dans les pays qui ont été initialement colonisés par la France et où la France a exporté le français, là le français n’est en général pas la langue maternelle des populations qui parlent d’abord une langue locale. Là, on a plutôt des phénomènes de contact entre les langues. Quand un locuteur subsaharien va prononcer le français, on va souvent avoir une mélodie qu’on n’a pas en Europe. Cette mélodie, elle nous vient de langues qui sont parlées sur place, qui sont des langues tonales, qui utilisent la mélodie pour créer du sens, ce qui n’est pas du tout le cas en français. Et cette mélodie, on va la retrouver dans la façon de parler des locuteurs subsahariens.
Combien y a-t-il d’accents en français, d’accents francophones ?
C’est très difficile à dire. Je dirais qu’il y a autant d’accents qu’il y a de locuteurs francophones. De façon très générale, on a tous notre propre accent et il n’y a pas deux fois le même accent dans la francophonie.
Carte interactiveLes accents francophones de RFI à écouter
On a des accents européens, avec des accents suisses, belges, un accent parisien, un accent méridional, c’est-à-dire un accent du sud de la France, on aura des accents américains, avec des accents québécois, acadiens, un accent cadien en Louisiane, on aura des accents maghrébins, des accents subsahariens… Mais si maintenant, on va demander aux locuteurs de ces zones de nous définir les accents, eux, ils vont nous dire qu’il y a beaucoup plus d’accents que ça. Par exemple, un méridional va vous dire que non, il n’existe pas un accent du sud de la France ; il en existe plusieurs. Par exemple, un locuteur de Toulouse va vous dire qu’il ne parle pas du tout de la même façon qu’un locuteur marseillais. Donc je dirais que ça dépend de la perspective que l’on prend. Mais il y a une multitude d’accents et c’est très difficile de mettre un chiffre là-dessus.
L’accent parisien est souvent vu comme une référence. Y a-t-il un « bon » accent français, est-ce que ça existe ?
Je dirais qu’il n’existe pas de « bon accent » français, mais qu’il existe en revanche un certain nombre de stéréotypes qu’on associe à certains accents. Les Parisiens ont un accent, mais cet accent est associé à des valeurs de prestige, à la bourgeoisie parisienne, au pouvoir. Ça, ce sont de vieux stéréotypes qui se maintiennent assez bien malheureusement à l’heure actuelle et qui font qu’on a l’impression qu’il existe un bon accent. Mais pas mal d’études ont été menées et il en ressort qu’il n’existe pas vraiment d’accent neutre. On voit qu’à l’intérieur d’une communauté, comme la communauté des francophones parisiens, on a une certaine autoperception de neutralité, on a l’impression de ne pas avoir d’accent. Mais si on demande à des locuteurs méridionaux, des locuteurs suisses, belges, et cetera, si les Parisiens ont un accent ou qu’on leur fait écouter des enregistrements de locuteurs parisiens, ils peuvent très bien le localiser. Donc c’est toujours une histoire de perspective.
On le sait, certains accents sont moins bien vus que d’autres. On parle même de glottophobie. Qu’est-ce que c’est ?
La glottophobie, c’est un terme très récent qui a été mis en place pour décrire le phénomène de la discrimination liée à l’utilisation de certaines langues ou de certains accents. Par exemple, dans un entretien d’embauche, un jeune sort son plus bel accent, mais il a quand même certains traits de prononciation, par exemple l’affrication, qui pourront être discriminatoires, et on pourra ne pas lui donner l’emploi à cause de ça. Ça arrive un peu trop régulièrement. La sociolinguistique a mis en place ce terme de glottophobie pour décrire ce phénomène et le combattre au niveau de la politique linguistique.
Ces derniers mois justement, les médias ont parlé de l’affrication, cette façon de particulière de prononcer les « d » les « t », comme quand on dit : « je bois une grenadjine ». Éric Zemmour y avait d’ailleurs vu une menace, pensant que cela avait à voir avec l’Afrique. Raté. Mais alors c’est quoi cet accent à la mode ?
L’affrication, c’est un phénomène phonétique, donc un phénomène de prononciation tout à fait banal qu’on retrouve dans beaucoup de langues romanes, comme l’italien, et dans beaucoup de variétés de français. En fait, c’est tout simplement le fait de prononcer certaines consonnes comme le « t » et le « d » devant certaines voyelles comme le « i » et le « u » de façon un peu différente que ce qu’on a l’habitude d’entendre. On va dire « tchi » ou « dji », « tchu » ou « dju », lundji » ou « cantchine » au lieu de « lundi » ou « cantine ». C’est un phénomène qui existe depuis extrêmement longtemps en français québécois et qui est en train de se développer et de se répandre parmi les jeunes actuels en France, mais ça n’a rien à voir avec l’Afrique. C’est quelque chose de tout à fait standard en phonétique.
Pourquoi ce n’est pas très bien vu, c’est que les gens ont du mal avec les changements. Par ailleurs, ce changement est aussi lié à une certaine communauté. On sait qu’il a été favorisé par l’utilisation de l’affrication dans certains domaines culturels comme le rap en particulier. Et dans certaines communautés conservatrices, disons, on a du mal à accepter ce phénomène, mais il est tout à fait naturel.
Il existe aujourd’hui des applis qui utilisent l’intelligence artificielle pour neutraliser les accents afin de lutter justement contre les discriminations. Est-ce qu’il y a un risque d’uniformisation des façons de parler français ? Y a-t-il des accents menacés de disparition ?
On a une certaine uniformisation des accents. Mais ce n’est pas dû à ces applications. Ces applications, utilisées notamment dans les centres d’appel, permettent de gommer, de lisser des accents de locuteurs qui n’ont souvent pas le français comme langue maternelle. Le problème, c’est que ça ne supprime pas la source de la discrimination, ça supprime seulement le symptôme.
Mais pour en revenir à l’uniformisation, ce genre d’application n’a quasi aucune influence. Le changement linguistique ne se fait pas dans des conditions si peu naturelles, il se fait dans la vie quotidienne. On voit à l’heure actuelle cette uniformisation dans ce qu’on appelle la France septentrionale, la moitié nord de la France. Avant que le français se soit établi, on avait dans cette zone des dialectes qui étaient tous apparentés les uns aux autres. Il y a eu ce qu’on a appelé un effet de nivellement. Donc si on prend un locuteur qui nous vient de l’extrême ouest et un autre qui nous vient de l’extrême est de la France et qu’on les fait parler, surtout les jeunes, ils ont un accent qui est si similaire que les gens n’arrivent plus à dire si cette personne vient de Nantes ou de Strasbourg.
Par contre, ça n’a rien de mauvais. Parce qu’en contrepartie, on a aussi dans d’autres régions, comme dans le sud de la France, en Suisse, en Belgique, au Canada, au Québec, le phénomène contraire. On a des accents qui ont plutôt tendance à se différencier de plus en plus. Donc on a des phénomènes d’uniformisation, et on a aussi des phénomènes de différenciation. J’aime à penser que c’est quelque chose de tout à fait naturel et qu’il faut le moins possible essayer de mettre des jugements de valeur là-dessus.
* Marc Chalier, Les normes de prononciation du français. Une étude perceptive panfrancophone, 2021, De Gruyter, 540 p.
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