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Chine, intelligence artificielle… Pourquoi les États-Unis veulent revenir à l’Unesco

, Chine, intelligence artificielle… Pourquoi les États-Unis veulent revenir à l’Unesco

Après cinq années d’absence, les États-Unis ont officiellement demandé lundi à réintégrer l’Unesco. L’objectif affiché est de retrouver une place à la table des négociations au moment où la Chine semble exercer une influence grandissante, notamment sur les questions liées à l’éducation et l’avenir de l’intelligence artificielle (IA).

Publié le : 13/06/2023 – 19:44

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L’Accord de Paris pour le climat, le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, l’Unesco : sous la présidence de Donald Trump, les États-Unis avaient déserté plusieurs institutions internationales. Lundi 12 juin, Joe Biden a de nouveau montré sa volonté de leur redonner leur place : après cinq ans d’absence, les États-Unis ont officiellement demandé à réintégrer l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco)

« Si l’Unesco va bien, elle ira mieux encore avec le retour des États-Unis », a immédiatement salué la directrice générale de l’organisation, Audrey Azoulay, lors d’une réunion avec les pays membres à Paris, siège de l’institution onusienne. « C’est un grand jour pour l’Unesco, pour le multilatéralisme ».

« Au moment où les Américains avaient quitté l’organisation, ils ne s’attendaient pas à ce qu’elle demeure aussi vivante, a poursuivi la directrice dans un entretien à la presse. « Ils voient qu’ils perdent quelque chose en ne participant pas. […] Quand votre chaise est vide, vous n’avez pas voix au chapitre. »

Les États-Unis avaient annoncé se retirer de l’Unesco en octobre 2017 en raison de tensions portant sur la Palestine. Washington dénonçait notamment des « partis pris anti-israéliens persistants ». Ce retrait, accompagné de celui d’Israël, était devenu effectif en décembre 2018. Même si en réalité, le différend remontait à plus de dix ans : déjà en 2011, l’administration Obama avait gelé la contribution financière des États-Unis après l’acceptation de la Palestine comme membre de l’institution culturelle.

Une chaise vide comblée par la Chine

Mais la question palestinienne ne semble pas être la raison de ce retour des États-Unis à l’Unesco. En avril 2022, le secrétaire d’État américain Antony Blinken avait déploré que la chaise laissée par les États-Unis profite au rival chinois. « Lorsque nous ne sommes pas à la table pour influencer le cours de la conversation et contribuer à la définition de normes et de pratiques, quelqu’un d’autre s’y trouve. Et ce quelqu’un d’autre est probablement la Chine« , avait-il déclaré.

Sans Washington – qui représentait à lui seul 22 % du budget de l’organisation – la Chine est devenue le premier pays en termes de contribution obligatoire au sein de l’Unesco, à hauteur d’environ 50 millions de dollars par an. « Même le jardin du siège de l’Unesco a été co-financé par une ville chinoise », illustre Ashok Swain, professeur de recherche sur la paix et les conflits à l’université d’Uppsala, en Suède. « La Chine s’est assurée d’être présente. »

De quoi lui assurer une place de choix dans les discussions, notamment au sein du comité du patrimoine mondial. Un groupe surtout connu pour désigner les sites culturels à protéger mais qui dispose d’un rôle plus politique qu’il n’y paraît : « Il a un impact important sur le tourisme et l’économie et peut susciter des polémiques lorsqu’il sélectionne des sites dans des territoires disputés », explique Ashok Swain. Ce fut le cas par exemple en 2018, lorsque le comité a décidé de reconnaître la vieille ville d’Hébron, en Cisjordanie, comme site au patrimoine mondial – suscitant, sans surprise, l’indignation d’Israël.

Dans un article publié en 2021 par le média américain The Hill, un diplomate américain et ancien administrateur de l’Agence américaine pour le développement international, John Brian Atwood, mettait lui aussi en garde contre la façon dont des pays comme la Chine tentaient « de façonner à leur gré l’agenda de l’Unesco ». 

Il soulignait par exemple les efforts déployés par Pékin pour transférer le Bureau international d’éducation de l’Unesco à Shanghai, ou pour que l’agence signe un accord de coopération dans le cadre de la « Belt and Road initiative ». Lancé en 2013, ce vaste projet chinois prévoit des investissements pour des infrastructures routières, ferroviaires et maritimes destinées à mieux relier la Chine à l’Europe et à l’Afrique.

Les inquiétudes autour de l’intelligence artificielle

Car l’Unesco n’a pas seulement vocation à sélectionner des sites devant rejoindre le patrimoine de l’humanité : l’organisation élabore aussi des programmes éducatifs, défend la défense de la liberté de la presse et appuie les échanges scientifiques. 

Et sur ce dernier point, le calendrier de ce retour des États-Unis ne relève pas du hasard. Les États-Unis souhaitent peser davantage dans les discussions en cours sur les règles de l’intelligence artificielle (IA) alors que l’institution a produit une recommandation sur l’éthique de l’IA dès 2021.

« Je suis convaincu que nous devrions revenir à l’Unesco, non pas pour lui faire un cadeau, mais parce que les choses qui s’y passent sont vraiment importantes », avait ainsi déclaré Antony Blinken en mars. « Ils travaillent sur des règles, des normes et des standards pour l’intelligence artificielle. Nous voulons être présents ».

« Même si les cadres dictés par l’Unesco n’ont qu’une valeur consultative, ils n’en sont pas moins d’une grande importance sur le plan idéologique », termine Ashok Swain. « La Chine a une vision très différente de celle des États-Unis de la démocratie et des droits humains. Les intérêts de Washington sur le plan idéologique pourraient donc être remis en question si la Chine parvenait à maîtriser la formulation des règles et réglementations de l’intelligence artificielle. »

L’acceptation du retour américain ne pourra cependant se faire qu’après un vote à la majorité des autres États, attendu en juillet. La Chine, via son ambassadeur auprès de l’Unesco Yang Jin, a d’ores et déjà indiqué qu’elle ne s’y opposerait pas. « La Chine est prête à travailler avec tous les États membres, y compris les États-Unis ».

Cet article a été adapté de l’anglais par Cyrielle Cabot. L’original est à retrouver ici.

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