Dans le Var, on lève les yeux au ciel. Pleuvra, pleuvra pas ? La semaine dernière, il y a bien eu des orages, locaux, parfois violents, mais c’est cette pluie continue, celle qui imbibe les sols, que l’on implore. Car depuis un an, ici, les nuages ne font que passer. « Nous sommes fin mai. La dernière grosse pluie date du 1er novembre dernier », soupire, fataliste, Jean-Jacques Coulomb, maire de Saint-Zacharie. Son village est joliment situé au pied de la Sainte-Baume, à une demi-heure de Cassis et de ses calanques, à moins d’une heure d’Aix et de Marseille. « Gamins, on se baignait dans les fontaines et on pêchait des truites arc-en-ciel et des écrevisses dans l’Huveaune� », se rappelle le sexagénaire, les yeux bleus dans le vague. Aujourd’hui, cette rivière, qui alimente la ville en eau potable, est à sec. Les seize fontaines du village ne coulent plus. Saint-Zacharie a été déclaré début mai en « crise sécheresse » par la préfecture, le plus haut niveau d’alerte. La consommation d’eau potable pour boire et se laver est autorisée, tout le reste est interdit : l’arrosage des terrains de sport, des fleurs et des golfs, le nettoyage des voitures, des bateaux et des rues, le remplissage ou la mise à niveau des piscines…
Les cinq piscines de Brad Pitt
Saint-Zacharie et Riboux, de l’autre côté de la Sainte-Baume, sont les deux seules communes varoises confrontées à cette situation extrême. Mais les 151 autres du département sont toutes d’ores et déjà classées en alerte ou au moins en vigilance, avec des restrictions plus ou moins élevées. La population est inquiète, tendue, capable du meilleur comme du pire. Jean-Jacques Coulomb raconte les administrés vertueux qui renoncent à faire construire une piscine alors que le permis leur a été accordé. Il raconte aussi les dénonciations téléphoniques qu’il refuse de prendre tant qu’il ne connaît pas le nom de la personne au bout du fil. Le fiel coule partout : à Hyères, on raconte comment les propriétaires des grosses villas de Ramatuelle vidaient les piscines et les remplissaient d’eau propre avant chaque nouvelle location l’été dernier, alors que c’était strictement interdit. A Ramatuelle, on dit que les gendarmes sont allés verbaliser des plaisanciers au port d’Hyères parce qu’ils nettoient leurs yachts à l’eau douce. Des paysans jurent que des viticulteurs auraient foré illégalement une nappe phréatique à 500 m sous terre. Des vignerons s’énervent contre le Domaine de Miraval, propriété de Brad Pitt, qui, selon le site L’Informé, ne comporterait pas moins de cinq piscines. Des agriculteurs se disent sidérés par les communes qui participent encore au concours des villes fleuries, alors que l’arrosage est interdit. Dans ce département habitué aux droites dures et extrêmes, des maires se demandent à voix haute pourquoi on leur demande de construire des logements sociaux « alors qu’on n’a plus assez d’eau pour nous ».
Partout, on cherche à faire face. Dans les basses montagnes du nord-est du département, un « plan Marshall » a été adopté par les neuf communes qui composent le Pays de Fayence. Ici, c’est rural. Un bus le matin vers Draguignan, un bus le soir en sens inverse. Les premières coupures d’eau ont commencé en 2021 dans le village de Seillans. L’été dernier, la commune a été alimentée par camion-citerne. Alors René Ugo, le maire, a pris les choses en main avec les huit autres maires du territoire, et ensemble, ils ont anticipé. Depuis début mai, la consommation d’eau individuelle est limitée à 150 litres par jour. Ceux qui consomment au-delà sentiront la facture passer : 5 euros le m3 pour les usagers consommant plus de 2 m3 par jour, et une tranche supplémentaire à 8 euros le m3 pour ceux qui vont au-delà de 3 m3 par jour. Un stock de 62.400 litres d’eau en bouteille a été provisionné, et une pré-réservation de 184.800 litres déjà prévue, en cas de rupture d’alimentation. Deux cuves sur berce, moins onéreuses qu’un camion-citerne, ont été achetées, des électrovannes posées pour détecter les fuites. « Nous allons aussi construire un grand réservoir d’équilibre pour faciliter la distribution de l’eau aux usagers, explique René Ugo. Nous avons rénové les canalisations, lancé des recherches d’autres nappes, peut-être sous le camp militaire de Canjuers ? Mais si, cette année encore, il n’y a pas d’eau, je suis à court de solution. »
Vignes irriguées au goutte-à-goutte
Pourtant, il va bien falloir en trouver. La filière viticole, première exportatrice mondiale de rosé, poids lourd dans l’économie du département, se bat pied à pied. Au Domaine Saint-Martin, dans le centre du Var, Adeline de Barry exploite 40 hectares de vigne. Sa famille est installée ici depuis onze générations, elle n’a pas l’intention d’être la dernière : « L’homme est assez stupide pour tout casser, mais je ne vois pas pourquoi on le laisserait faire ! » La rivière qui traverse son domaine, la Florièye, est à sec depuis l’été dernier. La vigneronne a installé l’irrigation au goutte-à-goutte, « et ça coûte 20.000 euros l’hectare ». Elle a aussi planté des arbres et des arbrisseaux le long des vignes pour les protéger du vent et retenir l’eau. Dans les inter-rangs, une dizaine de plantes différentes se partagent l’espace. Elles feront du paillage l’été prochain pour retenir l’humidité, et serviront aussi pour fabriquer des liqueurs : « Nous n’avons pas fait une récolte pleine depuis 2017, il faut diversifier l’activité ». Elle a aussi planté de nouveaux cépages, acceptés par l’AOP, proches en goût des cépages provençaux mais plus résistants à la sécheresse. Dans certaines parcelles, elle tente aussi la musique quantique, dont les ondes sont censées aider les vignes à se défendre, « j’y réduis l’irrigation et les traitements et on verra ce que ça donne ».
Les maraîchers et les éleveurs, eux aussi, cherchent comment s’en sortir. Certains choix sont radicaux, aussi violents que le dérèglement climatique. Jean-Denis Pebre-Robert était maraîcher à Ampus, un village perché à 600 m d’altitude. Il a décidé d’arrêter son activité et de la recentrer sur la trufficulture et l’apiculture, moins gourmandes en eau. « Nous avons perdu 80 % de notre chiffre d’affaires, affirme-t-il, mais nous estimons que les nappes phréatiques sont notre capital commun, et qu’aller y puiser serait voler les générations futures. Il ne pleut plus. Deux sources, au-dessus de chez nous, sont à sec depuis un an et demi. Il faut en assumer les conséquences sans toucher au patrimoine de nos enfants. » Le paysan n’a pas de crédit, une trésorerie prudente, et a laissé le temps à ses trois salariées de trouver un autre travail.
Toilettes sèches et récupérateurs d’eau
Dans le nord du Var, à Bauduen, au bord du lac de Sainte-Croix, Francis Girard, un éleveur de 450 moutons mérinos, réduit la voilure : « Depuis dix ans, on voit bien qu’il y a moins d’herbe. Nous avons donc moins de brebis sur l’alpage… De 2.000, nous sommes passés à 1.500. » Il sent bien que la solidarité locale et nationale sera plus difficile à obtenir : « En 1976, un impôt sécheresse avait été levé pour nous aider, se souvient-il. Cette fois, le grain est passé de 350 à 450 euros la tonne, le foin de 240 à 300 euros la tonne, et personne ne pense à nous. » Et puis il y a les conflits d’usage : « Les forestiers commencent à changer les essences d’arbres dans les forêts, nos moutons sont moins les bienvenus dans les sous-bois puisqu’ils risquent de manger les jeunes pousses… »
Le tourisme, lui aussi, est touché. Les activités nautiques sont essentielles, mais, si les Varois sont conscients de la nécessaire sobriété en eau, les plaisanciers, eux, sont moins réceptifs : « Nous faisons beaucoup de prévention, et la perspective d’une amende de 1.500 euros est très efficace, mais quand on paie 4.000 euros/semaine la location d’un bateau, on veut qu’il soit rutilant… Il va falloir que les mentalités évoluent », témoigne Cédric L’Hénaff, le directeur du port d’Hyères. Denis Infante, le président de l’association des professionnels du nautisme de la ville, a anticipé une saison qui va être, il le sent, difficile : « On a stocké l’eau de pluie, on utilise un karcher à l’eau de mer, nous cherchons comment réutiliser l’eau de la station d’épuration d’Hyères. Il nous faut des solutions durables, parce que sans carénage, pas de navigation. » Dans le Parc naturel de la Sainte-Baume, restaurateurs et hôteliers ont pu bénéficier d’aides du fonds tourisme durable pour installer toilettes sèches, récupérateurs d’eau ou lave-vaisselle économes. L’an dernier, un reportage de France 3 montrant le Verdon presque à sec a vidé la rivière de ses touristes : cette année, des pontons mobiles vont être installés, qui permettent d’aller chercher l’eau un peu plus loin pour y plonger.
Extension du canal de Provence
A Saint-Maximin, à la frontière entre le Var et les Bouches-du-Rhône, Franck Sanfilippo, directeur du service eau de la Société du canal de Provence (SCP), marche le long du canal. Cette branche va jusqu’à Saint-Tropez. L’eau y est translucide, mais peu profonde : « Rien à voir avec le manque de pluie : nous sommes simplement dans un usage sobre de la ressource, explique-t-il. Nous ne prélevons dans le Verdon et la Durance que ce dont nous avons besoin pour alimenter 3 millions de personnes en eau potable en Provence, en particulier les métropoles d’Aix-Marseille et de Toulon, et permettre d’irriguer 70.000 hectares de terres agricoles. » Parce que la ressource manque un peu partout, la région a décidé une extension du canal. Etonnant : on a moins d’eau, partageons-la avec plus de monde ? « En réalité, nous ne prélevons que 4 % de la ressource Verdon-Durance. L’an dernier, il y a eu des tensions importantes sur les ressources locales. Or, nous n’avons utilisé que 45 % de nos stocks », rassure l’hydrologue de formation, expert reconnu dans son domaine. Le canal est l’assurance, pour la Provence en général et le Var en particulier, d’avoir de l’eau potable en permanence… « Pour les communes que nous sécurisons ! D’où l’intérêt d’en sécuriser le plus possible. »
Un programme d’aménagement de 300 millions d’euros a été lancé en 2021 : les travaux sont en cours à Pierrefeu, près de Toulon, programmés à Ollières, au nord de la Sainte-Baume, et encore à l’étude dans le Pays de Fayence. Le but est aussi de permettre d’irriguer 20.000 hectares de terres agricoles supplémentaires. Mais tout cela a un prix : « Il faut que le prix de l’eau intègre son coût complet, en y incluant celui du renouvellement et de maintenance du réseau, dans lequel nous dépensons 30 millions par an ! » A Saint-Zacharie, le maire n’est pas d’accord. « Pour notre alimentation en eau, nous avons eu recours au canal de Provence l’été dernier, pendant cinq mois, puisque notre rivière, l’Huveaune – que nous ne payons pas – était à sec. L’Eau des Collines, la société publique locale qui gère l’assainissement et la distribution de l’eau pour notre territoire, a été facturée 380.000 euros pour cela. Or, ses recettes sont de 400.000 euros ! La SCP doit revoir ses prix. » Encore un conflit à prévoir… Dans le lointain, l’orage gronde : cet après-midi, il va pleuvoir… dans les Bouches-du-Rhône. Saint-Zacharie n’aura pas une goutte.
Le rôle des préfets
En matière de sécheresse, les préfets peuvent prendre des arrêtés de restrictions d’usage selon quatre niveaux de gravité : vigilance, alerte, alerte renforcée et crise. Pour cela, ils s’appuient sur l’avis des comités « ressources en eau », composés des usagers particuliers (associations de consommateurs, associations protectrices de l’environnement), des représentants professionnels (syndicats agricoles, industriels, touristiques), des représentants de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics (Météo France…). Chaque territoire est défini par une nappe phréatique et les décisions prises en fonction de l’état de celle-ci.
Pour prendre leur décision, les préfets s’appuient sur des données précises : seuils de débits, niveaux des nappes d’eau souterraines, données d’observation sur les assecs, prévisions météo, température des cours d’eau… Le but est d’anticiper, pour ralentir la baisse des niveaux d’eau et d’éviter toute rupture d’alimentation.
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