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Emmanuel Macron suggère de bloquer les réseaux sociaux pendant les émeutes


Le président de la République, Emmanuel Macron, reçoit à l’Elysée les maires de communes victimes des violences des jours précédents. A Paris, le 4 juillet 2023. Le président de la République, Emmanuel Macron, reçoit à l’Elysée les maires de communes victimes des violences des jours précédents. A Paris, le 4 juillet 2023.

« Nous avons besoin d’avoir une réflexion sur les réseaux sociaux, sur les interdictions qu’on doit mettre. Et quand les choses s’emballent, il faut peut-être se mettre en situation de les réguler ou de les couper. » Devant les maires de 200 communes, réunis à l’Elysée mardi 4 juillet, Emmanuel Macron a évoqué l’idée qu’il fallait pouvoir mettre en place des mesures de blocage des réseaux sociaux en cas de nouvelles émeutes.

Quelques heures plus tard, au Sénat, lors des débats autour du projet de loi visant à « sécuriser l’espace numérique », le ministre délégué chargé de la transition numérique, Jean-Noël Barrot, évoquait une « réflexion » sur le sujet qui pourrait aboutir d’ici à la rentrée : « Le président de la République a lui-même dit tout à l’heure qu’il ne fallait surtout pas, à [chaud], prendre des mesures trop dures qu’on peut regretter par la suite, mais il nous faut engager cette réflexion, a déclaré M. Barrot. Je vous propose que cette réflexion, nous l’engagions ensemble [dans le cadre des discussions sur le projet de loi numérique] pour que nous puissions, d’ici [au] mois de septembre, trouver la rédaction qui nous conviendra. »

Les blocages temporaires de réseaux sociaux, partiels ou complets, ne sont pas explicitement prévus par le droit français actuel et le principe même soulève d’importantes questions juridiques. La Constitution française, comme le droit européen, garantit le droit à la liberté d’expression, et le Conseil constitutionnel a jugé à plusieurs reprises que les mesures limitant la liberté d’expression au nom de la protection de l’ordre public doivent être proportionnées et justifiées. En 2020, le Conseil constitutionnel avait notamment censuré l’essentiel de la loi Avia sur la haine en ligne, jugeant que sa principale disposition, qui imposait aux réseaux sociaux de retirer sous vingt-quatre heures les contenus « haineux », constituait « une atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication qui n’est pas nécessaire, adaptée et proportionnée ».

Ce 5 juillet, l’exécutif a semblé, au moins en partie, faire marche arrière. Le cabinet du secrétariat d’Etat au numérique a précisé à France Inter que l’hypothèse d’un blocage n’était « pas sur la table ». Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, a expliqué pour sa part qu’il s’agirait plutôt de « suspensions de fonctionnalités, comme la géolocalisation sur certaines plates-formes ». Mais le rôle joué par ce type de fonctionnalités dans les émeutes récentes est inconnu, et sujet à caution.

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Des blocages techniquement possibles mais contournables

Bloquer temporairement les réseaux sociaux est-il possible techniquement ? En théorie, oui. Dans la pratique, un blocage des réseaux sociaux passerait sans doute par les systèmes de noms de domaine (Domain Name System, ou DNS), c’est-à-dire le système d’aiguillage utilisé par les fournisseurs d’accès à Internet (FAI). Ces serveurs servent à diriger correctement les données circulant sur Internet et sont indispensables au bon fonctionnement des navigateurs comme des applications.

Dans certains cas, que ce soit sur décision du juge ou sur demande directe de services de police, les FAI français bloquent déjà certains sites aux contenus illicites. Ils modifient leurs DNS : ceux qui souhaitent alors accéder à un site bloqué sont automatiquement redirigés vers une autre adresse. Un blocage tel que celui-ci s’étendrait aussi, comme l’évoque M. Macron, aux applications pour smartphone des principaux réseaux sociaux, comme Snapchat ou Twitter, qui ne seraient plus en mesure de communiquer avec leurs serveurs.

Certains pays ont d’ailleurs déjà appliqué un blocage de réseaux sociaux sur leur territoire. La Turquie, par exemple, a, à plusieurs reprises, bloqué des sites comme Twitter, Facebook et YouTube, notamment en 2014 et en 2015, avec plus ou moins de succès. Car si les blocages DNS sont faciles à mettre en œuvre, ils sont également aisément contournables en faisant quelques recherches sur la manière de s’y prendre, y compris sur des appareils mobiles. Certaines messageries ou réseaux sociaux, et notamment Telegram, très utilisé durant les émeutes, ont également mis en place des infrastructures techniques permettant d’éviter avec un certain succès les blocages par DNS. L’Iran puis la Russie ont ainsi tenté par le passé de bloquer l’accès au service, sans vraiment y réussir.

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« Le pays des droits de l’homme et des citoyens ne peut pas s’aligner sur les grandes démocraties chinoise, russe et iranienne », a réagi le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, comme d’autres élus de gauche. Même au sein de la majorité, la proposition du président de la République semble diviser : « Ce serait une erreur, a jugé le député Eric Bothorel (Renaissance), spécialiste des sujets numériques. Ce serait renoncer à l’idée que la démocratie soit plus forte que les outils qu’on détourne contre elle. » Ironiquement, la proposition du chef de l’Etat est intervenue deux jours après que le ministère de l’intérieur a dû démentir une rumeur diffusée sur les réseaux sociaux, fondée sur un faux communiqué de la police nationale. Ce dernier affirmait que des restrictions d’accès à Internet allaient être mises en place dans certains quartiers de grandes villes.

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