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Femmes et minorités à la haute direction : ça bloque dans l’antichambre

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Depuis quelques années, de nombreuses recherches sont publiées sur la représentation des femmes à la tête des entreprises et le constat demeure désolant.

Que ce soit au Canada ou aux États-Unis, le pourcentage oscille toujours autour de 5 % dans les grandes organisations.

Peut-on espérer une augmentation de ce pourcentage au cours des prochaines années ? Est-ce que le vivier de talents féminins dans l’antichambre d’une nomination à la présidence-direction générale est suffisant pour espérer une augmentation substantielle, ou faut-il d’autres stratégies pour changer la donne ?

Respectivement doyenne de l’École de gestion John Molson, et experte depuis plusieurs décennies de la place des femmes dans les hautes sphères du milieu des affaires, nous nous intéressons aux raisons du surplace actuel.


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Un vivier homéopathique et anémique

Une étude récente publiée par les professeurs David F. Larker et Bryan Tayan, de l’Université Stanford, nous procure des renseignements intéressants à ce sujet. Elle visait à identifier, parmi les 100 plus importantes entreprises américaines, les possibilités que des femmes et des membres de communautés culturelles puissent être nommés à des fonctions de PDG. Ils ont évalué celles et ceux d’entre eux qui occupent des fonctions relevant directement d’un PDG. Les conclusions de cette analyse sont préoccupantes :

  • seulement 25 % de femmes occupent de telles fonctions ;

  • peu de femmes se retrouvent dans les fonctions les plus porteuses de nominations, soit celles ayant trait aux opérations (15 %), aux services financiers (14 %) et aux services juridiques (35 %) ;

  • quant aux fonctions offrant peu de possibilités de promotion comme premier dirigeant, selon les critères utilisés pour sélectionner d’éventuels PDG, celles-ci sont occupées davantage par des femmes (cheffe des ressources humaines, de la gestion des risques, des communications, etc.).

Cette présence plus forte des femmes dans ces fonctions d’appui est l’illustration du labyrinthe du leadership, soit ces détours complexes et sans issu auxquelles les femmes sont confrontées dans leur carrière en raison des stéréotypes, des biais et des obligations familiales qu’elles continuent à assumer seules, malgré un meilleur partage de ces fonctions avec leurs partenaires masculins.

Pourquoi, après tant de décennies d’efforts pour accroître la représentation féminine dans les instances décisionnelles, si peu de femmes parviennent à prendre leur place ? Nous proposons comme explication ces trois discriminants indirects.


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Le manque d’expérience, un critère discriminatoire

Dans un récent article publié par le cabinet-conseil Spencer Stuart, on faisait le constat que la demande pour des PDG expérimentés avait presque quadruplé depuis de début du siècle, passant de 4 % en 1997 à 16 % en 2019. Selon des dirigeants consultés par ce cabinet, les responsables de processus de sélection posent l’hypothèse que l’expérience préalable de PDG est un prédicteur de l’impact que pourra avoir un candidat sur la valeur pour les actionnaires.

Les conclusions d’une autre étude réalisée par ce même cabinet sur le cycle de vie des PDG et de leur performance apportent un éclairage qui fragilise cette hypothèse quant au lien entre expérience préalable et valeur actionnariale.

Après avoir analysé la performance de 855 PDG du S&P sur une période de vingt ans, le cabinet a pu constater que les PDG occupant cette fonction pour la première fois produisaient un taux de rendement pour les actionnaires (TSR) plus élevé que les PDG expérimentés. Ces PDG non expérimentés auraient de plus comme avantage de demeurer en poste plus longtemps et avoir une performance moins volatile.

Selon les résultats d’une autre étude réalisée il y a quelques années par les professeurs Michel Magnan, de l’Université Concordia, et Sylvie St-Onge, de HEC Montréal, moins de 10 % des différences dans la performance boursière des grandes banques canadiennes peuvent être expliquées par des facteurs propres à chacune d’elles. Parmi eux, les décisions et les initiatives du PDG en place, mais aussi les employés, la clientèle, la localisation des places d’affaires ou le « mixte » d’affaires.

Ce critère d’expérience préalable de PDG et l’importance qu’on y accorde constituent un facteur de discrimination indirecte qui prive les femmes, les représentants des communautés culturelles et les jeunes talents d’accéder à ces fonctions. Outre d’être discriminatoire, ce critère perpétue de plus le statu quo et limite l’accès à de telles fonctions à un groupe restreint d’individus.

Embaucher des gens qui nous ressemblent

L’adéquation culturelle, ou « culture fit », vise à sélectionner des talents qui sont en adéquation avec la culture de l’entreprise, c’est-à-dire ses valeurs, sa vision, sa raison d’être, ses objectifs et autres éléments qui la caractérisent.

Si un tel processus de recrutement a pour avantage de recruter des talents qui sauront s’intégrer et performer rapidement, il cependant comme désavantage de favoriser le statu quo et la règle de la majorité, ainsi que de s’entourer de personnes qui nous ressemblent, soit par le sexe, l’âge, les origines culturelles et autres différences pouvant être considérées comme dérangeantes.

Dans cette étude du Center for Talent Innovation, on montre bien que l’innovation prospère dans un environnement où les dirigeants acceptent la différence, s’ouvrent aux changements et aux perturbations et encouragent la libre expression.

La valeur financière sous-estimée de la diversité

Un groupe de chercheurs de la Bryant University et de l’Université Concordia, ont réalisé une étude empirique sur les performances financières de PDG à la tête d’entreprises américaines cotées en bourse. Ils ont totalisé plus de 11 600 observations annuelles, sur une période de 15 ans (1998-2013).

Il en ressort que les femmes de couleur et les femmes blanches ont réalisé des performances financières supérieures à celles enregistrées par les hommes de couleur, qui eux ont mieux fait que les hommes blancs. Selon les auteurs, ces résultats s’expliquent par le fait que dès leur très jeune âge, les personnes issues des minorités se font dire par leur entourage qu’elles doivent développer leur résilience, et que si elles veulent réussir, elles doivent être plus intelligentes et faire mieux que n’importe qui d’autre.

Un leadership plus humain

Dans un monde où la volatilité, l’incertitude, la complexité et l’ambiguïté prévalent, ce sont les qualités de leadership appropriées à un pareil contexte qui doivent guider dans un processus de sélection. Ces qualités — agilité, adaptabilité, empathie, humilité — se trouvent tout autant chez les femmes que les hommes. C’est ce qu’on appelle les compétences douces ou « soft skills ».

Selon une étude publiée en août 2022, la quête de ces qualités prend de plus en plus de place dans les descriptions de fonctions pour les postes de haute de direction depuis la dernière décennie. Seul le recours prioritaire à celles-ci pour identifier les meilleures candidatures assurera des règles de jeu équitables tout autant pour les femmes que les hommes.

Il est bénéfique pour les entreprises de prendre conscience de l’importance de la diversité des talents et de styles de leadership. En promouvant les meilleures personnes aux postes de pouvoir, elles deviennent plus performantes et humaines.

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