Paris (AFP) – Marlène Schiappa, auditionnée à son tour mercredi par la commission d’enquête du Sénat sur le Fonds Marianne de lutte contre le « séparatisme », a assuré vouloir assumer sa « responsabilité » dans la gestion controversée de ce fonds, tout en se défaussant régulièrement sur son administration et sans convaincre les sénateurs.
Publié le : 14/06/2023 – 04:34Modifié le : 14/06/2023 – 19:00
La ministre a été pendant plus de trois heures sous le feu des franches interrogations du rapporteur Jean-François Husson (LR) et du président (PS) Claude Raynal : « C’est extraordinaire ce que vous dites ! », « c’est mieux de le dire (…) au lieu de tourner autour ! », « on ne distribue pas de l’argent public sans faire un petit rapport (… ), là il n’y a rien de rien de rien ! », a-t-on par exemple pu les entendre grincer.
Cette audition était particulièrement attendue: c’est elle qui, alors ministre déléguée à la Citoyenneté, au ministère de l’Intérieur, avait annoncé le 20 avril 2021, à grand renfort d’interventions médiatiques, le lancement de ce fonds, initialement doté de 2,5 millions d’euros, six mois après l’assassinat du professeur Samuel Paty. Il visait à financer des associations apportant, sur les réseaux sociaux, des « contre-discours » à l’islam radical.
Marlène Schiappa a concédé qu’il y a « eu des dysfonctionnements dans l’organisation et dans la gestion » de ce fonds.
Avant de minimiser: « Je ne crois pas qu’on puisse imputer à (…) un responsable politique la malversation interne d’une structure à laquelle il fait confiance ».
Est-elle intervenue dans le processus de sélection des 17 associations choisies pour bénéficier du fonds ? Et notamment auprès de l’Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire (USEPPM), principale bénéficiaire (355.000 euros prévus)?
« Je ne faisais pas partie du comité de sélection », a-t-elle rétorqué, alors que trois membres de son cabinet y participaient.
« Fiasco »
Elle n’est d’ailleurs « pas amie » avec Mohamed Sifaoui, l’essayiste qui était l’un des deux porteurs du projet USEPPM. « Je n’ai à aucun moment demandé (…) à ce que M. Sifaoui soit priorisé. »
Le projet USEPPM ? « Il était soutenu par l’administration », réplique-t-elle. Une façon de renvoyer la balle au Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), l’organisme gestionnaire du fonds au sein du ministère de l’Intérieur, sous l’autorité de la ministre et dont le patron Christian Gravel a démissionné il y a huit jours.
En outre, selon elle, le comité de sélection du fonds était « unanime » pour soutenir la candidature de l’USEPPM. Elle-même dit s’être étonnée en amont du montant « énorme » de la subvention envisagée, mais ne plus s’en être mêlée ensuite.
C’est aussi son cabinet qu’elle tient pour responsable: jouant sur les mots, Mme Schiappa s’est ainsi défendue d’avoir écarté SOS Racisme des associations lauréates en arguant qu’on lui avait demandé un « arbitrage » a posteriori qui a pu être « mal interprété » par son cabinet.
Le suivi du projet ? Là, encore, c’était une tâche revenant à l’administration, dit-elle, martelant, qu’elle n’est « pas dans l’ingénierie ».
Les sénateurs Raynal et Husson ne sont pas convaincus. « Votre audition est en suspens », dit le premier. « Continuez-vous vraiment à dénier toute responsabilité dans ce fiasco ? »
Et de déplorer: « Vous avez fait naître (…) un concept politique » avec un « puissant temps de communication », au moment du lancement, « et derrière, vous nous dites (…) +c’est l’administration+ ».
« Quand je lis que la famille Paty refuse de lier son nom de famille au fonds Marianne (…) ça me fait mal », a ajouté le sénateur.
De son côté, également auditionnée, Sonia Backès, secrétaire d’Etat qui a repris le portefeuille de Marlène Schiappa, a estimé, dans ce dossier qu’elle n’a eu à gérer qu’à partir de juillet 2022, qu’il y avait « des erreurs », « des fautes », « des manquements ».
« Cette affaire nous amènera à un certain nombre d’évolutions », sur la « manière d’accorder des subventions », avec des contrôles « a priori » et « a posteriori », « un accompagnement » des associations.
« Je tiens à ce que cette politique publique » de lutte contre les discours « séparatistes » « puisse continuer » et « ne soit pas entachée par (…) les fautes qui seront sans doute sanctionnées dans les prochaines semaines », a-t-elle encore dit.
Mohamed Sifaoui a lui été entendu mercredi matin dans l’enquête sur des soupçons de détournement de fonds publics, par les enquêteurs de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF).
L’essayiste affrontera jeudi matin le feu roulant des questions de la commission d’enquête.
© 2023 AFP
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