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L’Algérie met en garde la France contre une évolution de sa position sur le Sahara occidental


Dans un camp de réfugiés sahraouis à Dakhla, au Sahara occidental, en janvier 2023. Dans un camp de réfugiés sahraouis à Dakhla, au Sahara occidental, en janvier 2023.

Une nouvelle crise bilatérale ? La réponse est loin d’être évidente à la lecture du communiqué diffusé jeudi 25 juillet par le ministère algérien des affaires étrangères exprimant « le grand regret et la désapprobation profonde » d’Alger face à une évolution attendue de la position française sur le Sahara occidental. Recourant à une menace voilée, le gouvernement algérien affirme qu’il « tirera toutes les conséquences qui découlent de cette décision française et dont le gouvernement français assume seul la pleine et entière responsabilité ».

Le texte du ministère ne précise toutefois pas le contenu précis de cette « décision française » qui lui a été communiquée en amont avant qu’elle ne soit officialisée plus tard, vraisemblablement à l’occasion d’une visite du président Emmanuel Macron à Rabat d’ici à la fin de l’année. Le communiqué fait simplement mention, en termes assez vagues, d’« un soutien sans équivoque et sans nuance [de la France] au plan d’autonomie sur le Sahara occidental dans le cadre de la souveraineté marocaine ».

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De son côté, le Quai d’Orsay refuse à ce stade de communiquer sur le sujet. Rabat également, mais la presse marocaine se félicite déjà ostensiblement d’une évolution qu’elle interprète à sa manière. « La France appuie la marocanité du Sahara, Alger fulmine », applaudit le journal en ligne Hespress, proche du palais.

Cyclique – avec son alternance régulière de déchirements et rabibochages – la relation franco-algérienne devrait connaître ainsi une nouvelle phase de crispation mais dans des proportions encore incertaines. Depuis neuf mois, la diplomatie française au Maghreb s’orientait de plus en plus clairement vers un rapprochement avec le Maroc, pays avec lequel la crise avait été virulente de l’été 2021 à l’été 2023.

Question « existentielle » pour le Maroc

Le royaume chérifien ayant fait de la reconnaissance de sa souveraineté sur le Sahara occidental – ancienne colonie espagnole que lui dispute le mouvement indépendantiste du Front Polisario avec le soutien de l’Algérie – l’alpha et l’oméga de ses relations extérieures, Paris devait nécessairement amender sa position historique afin d’accommoder les revendications de Rabat, à défaut de s’aligner pleinement sur elles.

Depuis 2007, la France « soutient » le plan d’autonomie de ce territoire, mis sur la table par le roi Mohammed VI, mais sans valider expressément sa « marocanité », comme le réclame le royaume chérifien, afin de tenir compte des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies qui vouent toujours – en tout cas sur le papier – le Sahara occidental à « l’autodétermination ». Un recalibrage de la doctrine française sur le sujet est toutefois dans l’air du temps.

Lors de sa visite à Rabat le 26 février, le ministre français des affaires étrangères, Stéphane Séjourné, l’avait annoncé sans ambiguïté : « La France le sait, la question du Sahara occidental est existentielle pour le Maroc et pour tous les Marocains. Nous l’avons dit et je le redis aujourd’hui peut-être avec plus de force. Il est désormais temps d’avancer, j’y veillerai personnellement. » En attendant une percée sémantique sur le sujet, la France donnait son feu vert à l’implantation d’entreprises au Sahara occidental, un geste symbolique fort.

Le pas franchi ce jour-là était considérable : il s’agissait de la première fois qu’un représentant de Paris reconnaissait le caractère « existentiel » du Sahara occidental pour le Maroc. Le signal ne pouvait qu’inquiéter Alger, dont les relations avec Rabat sont rompues depuis 2021, précisément à cause de ce contentieux sahraoui.

Alger veut ménager l’avenir

A travers sa mise en garde de jeudi, le ministère algérien des affaires étrangères anticipe l’inflexion en germe de Paris avec l’arrière-pensée de la décourager ou à tout le moins d’en limiter la portée. Un calcul qui semble indiquer que les choses ne sont pas à ce stade figées.

Les termes de la réaction algérienne sont d’ailleurs plutôt tempérés, ménageant l’avenir. Ils tranchent en tout cas avec la tonalité de la précédente crise bilatérale déclenchée en février 2023 par l’accueil en France d’Amira Bouraoui.

La journaliste, à la double nationalité franco-algérienne, avait fui l’Algérie, où elle faisait l’objet d’une interdiction de sortie du territoire, via la Tunisie grâce au soutien consulaire de Paris. Alger avait alors rappelé son ambassadeur en poste à Paris, tandis que l’agence officielle Algérie Presse Service (APS) fustigeait « les barbouzes français » qui « cherchent la rupture définitive avec l’Algérie ». On n’en est pas encore là.

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Mais Alger marque le coup a priori à travers des avertissements sans frais, attendant de voir quels seront les termes définitifs de la future position française sur le Sahara occidental. Jusqu’où ira Paris dans la reformulation de son appréciation du plan marocain d’autonomie de 2007 ? Jusqu’alors, sa doxa officielle était de considérer que ce plan de Mohammed VI était « une base sérieuse et crédible » d’une discussion en vue d’un règlement du conflit.

« La base sérieuse »

Pionnière en 2007, sa position n’avait pas bougé alors que, depuis décembre 2020, suite à la reconnaissance de la « marocanité » du Sahara occidental par les Etats-Unis – Donald Trump était alors en fin de mandat –, le Maroc avait obtenu une évolution de certains pays européens jugée favorable à ses intérêts.

L’Espagne notamment, mise sous pression par le Maroc sur la question migratoire, avait concédé que le plan royal était « la base la plus sérieuse et crédible » de discussion, l’usage du superlatif marquant un saut qualitatif. A tout le moins, la France pourrait passer de l’article indéfini à l’article défini en remplaçant « une base sérieuse » par « la base sérieuse » afin d’exprimer une qualification plus élogieuse du plan marocain.

Plus qu’une rupture, il s’agirait en fait d’un retour au langage déjà utilisé par Alain Juppé, ministre des affaires étrangères sous la présidence de Nicolas Sarkozy, qui avait lors d’une visite à Rabat en mars 2012 affirmé que le plan royal, « aujourd’hui la seule proposition réaliste sur la table », constituait « la base sérieuse et crédible d’une solution ». La formule avait ensuite été abandonnée par la diplomatie française avec l’arrivée à l’Elysée de François Hollande quelques mois plus tard.

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