« OKLM », « askip », « dead ça »… Si ces termes vous sont obscurs, rien d’anormal ! Une enquête parue le 4 juin dernier et menée par le site d’apprentissage de langues en ligne Preply, auprès de 1 500 participants, révélait qu’aucun des Français de plus de 55 ans n’était familier de ces expressions. Largement répandues chez les adolescents et jeunes adultes, elles accentuent même le « décalage de génération » pour 92 % des sondés, tous âges confondus.
Des chiffres qui n’étonnent guère Julien Barret, auteur, linguiste et spécialiste en performance vocale (poésie orale, rap, slam…). L’argot qui « a toujours existé », rappelle-t-il, repose précisément sur ce principe. S’il relève d’une dimension identitaire, d’un « codage affectif qui ‘“soude” ceux qui l’emploient », sa fonction est aussi de « rester incompris du reste du monde (en l’espèce, les adultes) ».
L’utiliser relèverait « d’une tentative désespérée de s’accrocher à une jeunesse perdue », enchérit, avec humour, le professeur de linguistique à l’université Paris-Descartes Alain Bentolila, à l’évocation de cette enquête. Une réserve qui n’empêche pas les Français (de moins de 55 ans, donc) d’être familiers de certains de ces termes. Ainsi, « wesh » (salut), « avoir le seum » (être dégoûté) et « déter » (déterminé) seraient les plus familiers à ces derniers – pour respectivement 61 %, 54 % et 41 % d’entre eux.
Un argot diffusé en « temps record »
Partiellement connu, ce langage informel n’en divise pas moins les sondés. Comme le précisent les chiffres : 44 % d’entre eux estiment que l’argot génère un « effet positif » sur la langue française (considérant cette dernière « évolutive et vivante »), quand 31 % lui prêtent un « effet négatif » (le jugeant responsable d’une « chute du niveau en langue » et de « difficultés de compréhension » entre générations).
Un débat – loin d’être inédit – qui appelle à la nuance. « Si l’on raisonne en termes de volume lexical, alors il est clair que l’apparition de nouveaux mots est un enrichissement », tranche Julien Barret. L’enjeu, individuel, repose plutôt sur « l’importance de maîtriser plusieurs registres de langue, seul moyen, rappelle-t-il, de s’exprimer de manière précise selon le contexte d’énonciation ».
Parmi ces contextes : les réseaux sociaux. Surinvestis par les ados, ils concourent, par les codes langagiers qui s’y déploient, à creuser le fossé de générations pour 39 % des Français. Un sentiment fondé, à en croire le linguiste. « Il suffit, aujourd’hui, d’une vidéo à quelques millions de vues pour qu’une expression se diffuse en un temps record. » Vous avez dit perdus ?
Dissipons votre possible confusion : les termes mentionnés en tête de cet article (« OKLM », « askip » et « tu as dead ça ») signifient respectivement « au calme », « à ce qu’il paraît », et « tu as assuré ».
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