Publié le 19 sept. 2023 à 18:47
Les ministres des Affaires européennes de l’UE ont décidé, ce mardi à Bruxelles, de temporiser face aux nouvelles exigences de l’Espagne sur ses langues régionales. La présidence espagnole avait inscrit à l’agenda du conseil Affaires Générales le dossier de la reconnaissance du catalan, du basque et du galicien comme langues officielles de l’UE en précisant « pour adoption ». Mais dès avant la réunion, on savait qu’il n’aboutirait pas : cette demande du gouvernement Sanchez soulève des objections et des interrogations juridiques dans de nombreux autres Etats membres.
« Nous ne sommes pas en train de parler de langues minoritaires », a certes plaidé le ministre espagnol des Affaires étrangères José Manuel Albares à Bruxelles. « Le catalan est parlé par plus de 10 millions de personnes, ce qui le place au-dessus de beaucoup des langues des représentants réunis autour de la table », a-t-il ajouté, ce qui n’était peut-être pas, il est vrai, le meilleur argument pour se faire des alliés.
L’Union européenne, où l’on dénombre une soixantaine de langues régionales ou minoritaires, compte actuellement 24 langues officielles, consignées dans le règlement CE numéro 1/1958, très connu dans les milieux européens car c’est le premier texte de droit dérivé adopté après l’entrée en vigueur du traité de Rome.
Catalans faiseurs de roi
Le statut de langue officielle implique notamment que les documents juridiques de l’UE (traités, règlements ou accords internationaux) soient traduits dans ces langues, et qu’une interprétation soit disponible pour les sommets et réunions ministérielles. Une telle reconnaissance nécessite une décision à l’unanimité des Vingt-Sept.
La requête du Premier ministre espagnol sortant Pedro Sanchez, transmise en plein mois d’août, était une exigence des indépendantistes catalans. Le dirigeant socialiste aura absolument besoin d’eux prochainement s’il veut espérer être reconduit au pouvoir.
La situation politique sensible est bien comprise au sein des Vingt-Sept. De nombreux Etats membres souhaitent, sinon aider Pedro Sanchez à se maintenir au pouvoir, du moins éviter que l’incertitude politique ne dure à Madrid .
Analyse juridique
« Nous allons demander une étude juridique pour voir comment est-ce que l’on peut accommoder l’Espagne sur ce sujet », a déclaré la secrétaire d’Etat française aux Affaires européennes, Laurence Boone. Comme elle, les ministres allemande, croate et suédoise notamment ont réclamé une analyse sur les conséquences juridiques mais aussi financières d’une telle reconnaissance.
« Il est trop tôt pour se prononcer », a estimé la ministre suédoise, Jessika Roswall. « Il y a un grand nombre de langues minoritaires dans l’Union européenne qui ne sont pas des langues officielles », a-t-elle ajouté, en référence à un possible effet domino dans d’autres pays.
Le ministre espagnol des Affaires étrangères s’est quant à lui réjoui qu’« aucun Etat membre n’ait mis son veto » à la proposition, et annoncé la mise en place d’un « groupe de travail » pour répondre aux questions. Devant les objections des Etats membres à inclure trois langues d’un coup, l’Espagne a proposé que le processus soit progressif, en donnant la priorité au catalan.
Implications financières
L’Espagne a aussi proposé de prendre en charge elle-même les coûts de traduction et d’interprétation liés à une telle réforme. Les implications financières de cette proposition sont particulièrement scrutées, au moment où de difficiles négociations sont en cours sur une rallonge au budget pluriannuel de l’UE .
Selon nos informations, plusieurs Etats membres réfléchissent à une possible précision des règles selon lesquelles des citoyens européens peuvent s’adresser aux institutions de l’UE dans leur langue régionale (en passant par leur capitale nationale). Une modification du règlement 1/1958 semble en revanche taboue.
En Espagne, catalan, basque et galicien ont le statut de langues co-officielles, tandis que le castillan est la seule langue officielle dans l’ensemble du pays. Depuis ce mardi, les députés qui le souhaitent peuvent s’exprimer en séance plénière au Parlement espagnol dans ces trois langues, avec traduction simultanée.
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