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Le français « Canada Dry », juste un anglicisme

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Oui, les anglicismes sont utilisés sans modération. Ils enrichissent notre lexique, mais leur emploi est ambivalent, car on n’aime rien tant que de les désigner à la vindicte publique. Pour ceux qui les pourchassent, la tâche devient plus ardue. Albion, déployant une belle plasticité – on n’a pas dit perfidie –, se coule aussi dans notre langage par le biais de constructions d’apparence tout à fait anodine. On dirait du français, mais en réalité ce n’est pas du français.

Ces anglicismes dits « syntaxiques » et autres emprunts sémantiques se cachent souvent dans le maquis des verbes du premier groupe. On ne présente plus l’équivoque qui entoure le fait de « supporter » une formation sportive ou politique plutôt que de la soutenir. L’expression renvoie tout à la fois à l’adhésion et à l’accablement, conflit intérieur autour duquel pourraient se retrouver fraternellement les supporteurs du PSG comme ceux de l’OM, mais aussi les sympathisants de pratiquement tous les partis politiques. Les puristes se garderont de dire que cela « fait sens », la locution étant directement importée du make sense de nos voisins.

L’univers professionnel nous inflige régulièrement quelques tartes à la crème anglaise sorties de la cuisine de ce français « Canada Dry ». On peut être prié de « documenter » une œuvre d’art qu’il faudrait plutôt « répertorier », ou d’« adresser » un problème que l’on ferait mieux de « traiter ». Sur la voie publique, on croise parfois une benne « dédiée » aux gravats, ce qui représente une vraie promotion pour lesdits gravats. Dédier, contrairement au verbe to dedicate, signifie « rendre hommage », voire « honorer religieusement ». Idem pour les programmes informatiques « dédiés », dont on se demande bien la noble cause qu’ils servent.

A la limite du hors-jeu

Il reste le cas, fort controversé, de l’endémique formule « je vous partage », lorsqu’il s’agit de transmettre des informations par courrier électronique. Certains éminents linguistes considèrent qu’en l’occurrence, la forme transitive est tout à fait correcte. Bossuet, pour ne citer que lui, évoquait l’oiseau qui « partage son butin à ses petits ». D’autres lexicologues objectent que le verbe « partager » tend à élargir sa signification en devenant synonyme de « communiquer », proche de l’anglais to share, et se marie très mal avec le mode transitif. Droit dans ses bottes, l’Office québécois de la langue française a choisi son camp : il partage ses convictions « avec » et non pas « à » ses destinataires.

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