«Tout ça ne peut pas finir en eau de boudin… » Le député insoumis Eric Coquerel soupire face à l’impasse des négociations. Huit jours après l’arrivée en tête du Nouveau Front populaire au second tour des législatives, les discussions sont au point mort. Les responsables de gauche n’en finissent plus de se déchirer pour trouver un candidat à Matignon. Les premières tractations ont laissé place aux tensions et menacent de virer à la farce. Car avant une semaine décisive, le temps perdu à gauche pourrait bien profiter à Emmanuel Macron.
L’option Bello tombe à l’eau
En fin de semaine dernière, après déjà des jours d’impasse, les communistes ont sorti d’on ne sait quel chapeau le nom d’Huguette Bello, la très expérimentée présidente du conseil régional de La Réunion. Mais cette piste, soutenue par les insoumis et un peu tout le monde, a finalement été écartée par le Parti socialiste. « Il semble y avoir un problème d’ego d’Olivier Faure et de sectarisme de la part du PS », grince Antoine Léaument, député LFI. « On a proposé plusieurs noms. Mais pour eux, c’est Olivier Faure ou rien, poursuit-il. Ce n’est plus une négociation, c’est un ultimatum ».
Bello au tapis, retour à la case départ. Et les insoumis tentent d’en faire porter la responsabilité aux seuls socialistes. « C’est un peu facile de désigner le PS comme coupable ou bouc émissaire, venant de gens qui nous disent »c’est insoumis ou rien »… On peut aussi décider d’être responsable politiquement et avoir un profil suffisamment rassembleur pour trouver des coalitions au Parlement », réplique le député PS Arthur Delaporte.
Dans cet étonnant brouaha, les noms se succèdent. Certains évoquent Martine Aubry (maire de Lille) ou l’ancienne ministre Najat Vallaud-Belkacem, sans trop y croire. D’autres poussent la communiste Marie-George Buffet.
Les socialistes, les écologistes et les communistes ont proposé en fin de journée le nom de Laurence Tubiana, ex présidente de la Convention citoyenne sur le climat. Mais la propopsition s’est fracassée sur un « non » catégorique de LFI, qui refuse toute personnalité de la société civile. « La gauche n’était pas prête. Ils ont raconté n’importe quoi à leurs électeurs. Tous les jours, un Premier ministre imaginaire sort du chapeau, qu’est-ce que c’est que ces clowns ? », a égratigné le député RN Sébastien Chenu sur LCI ce lundi.
« C’est trop long, ça exaspère tout le monde »
Cette confusion contraste avec l’urgence revendiquée pendant la campagne. Jean-Luc Mélenchon promettait l’abrogation de la réforme des retraites et l’augmentation du smic à 1.600 euros dès le lendemain du scrutin. Une semaine plus tard, le NFP n’arrive même plus à discuter pour tenter de s’accorder sur un Premier ministre. Au risque de saboter ses maigres chances d’arriver au pouvoir ?
« Cette situation de blocage qui dure, qui s’éternise, n’est pas digne des millions de Français qui nous ont placés en tête. C’est trop long, ça exaspère tout le monde », se désole le sénateur communiste Ian Brossat. « Plus on s’éloigne du vote, plus notre légitimité s’érode. Il faut aller plus vite ». »
« Je suis tellement en colère du visage que nous montrons », s’est également désespérée lundi sur X l’écologiste Sandrine Rousseau. Car ce flottement donne du crédit au discours d’Emmanuel Macron, qui dans sa lettre aux Français, estime qu’il n’y a aucun vainqueur des législatives. « Aucune force politique n’obtient seule une majorité suffisante », écrit-il, appelant à « bâtir une majorité solide », c’est-à-dire capable de résister à une motion de censure.
Celle-ci pourrait se dessiner ce jeudi, lors d’un vote des députés pour élire le président de l’Assemblée nationale. Les insoumis ont d’ailleurs suspendu ce lundi après-midi toute discussion sur le Premier ministre tant qu’une candidature commune à gauche n’était pas arrêtée pour le perchoir. Le NFP risque en effet de voir le camp présidentiel et la droite s’allier pour emporter le scrutin. La gauche perdrait son précieux argument d’être le bloc majoritaire dans l’hémicycle, et peut-être encore un peu de crédit aux yeux de ses électeurs.
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