Couler des encombrants dans le béton armé est un vieux fantasme. Au cinéma, on se souvient de Jo, comédie de 1971 signée Jean Girault, dans laquelle Louis de Funès se débarrassait du cadavre de son maître chanteur supposé en le noyant dans les fondations d’un kiosque de jardin. Dans une étude publiée par la revue britannique Scientific Reports le 18 mai, une équipe basée à l’université de Kitakyushu, au Japon, formée de trois chercheurs, deux Indonésiens et un Belge, analyse le bien-fondé qu’il y aurait à intégrer dans le béton… des éléments de couches-culottes jetables usagées. Un déchet qui représente en moyenne, dans le monde, 2 % à 7 % du volume total des ordures ménagères domestiques (« Solid and Hazardous Waste Management », Science and Engineering, 2017) et qui finit d’ordinaire dans des incinérateurs ou, bien plus souvent, dans des décharges à ciel ouvert.
Ce n’est pas la première fois que le recyclage des couches-culottes dans le béton fait l’objet de recherches. En 2017 déjà, l’Indian Journal of Science and Technology avait fait état de résultats intéressants obtenus en Malaisie, par valorisation du pouvoir absorbant des couches-culottes « transformées en substance gélatineuse » améliorant la viscosité du béton. L’élément nouveau apporté par l’article de Scientific Reports tient au chiffrage de la proportion de couches-culottes pouvant améliorer la qualité du béton, y compris dans les éléments porteurs des bâtiments.
L’expérimentation a été menée en Indonésie sur un habitat low cost : des maisons de 36 mètres carrés au sol, composées uniquement d’un rez-de-chaussée divisé en une pièce de vie, deux chambres et une salle de bains. Sur le volume total de béton requis, 22,79 mètres cubes, les trois chercheurs montrent que la part des couches-culottes, préalablement lavées, séchées et déchiquetées avant incorporation au ciment, aux granulats, au sable et à l’eau, peut atteindre 1,73 mètre cube, sans que la portance du béton ne soit modifiée. « Cela indique qu’un maximum de 7,6 % de couches jetables peut remplacer les agrégats fins dans la construction », affirment-ils, en l’occurrence le sable.
La proportion varie selon les éléments de l’édifice. Dans les poteaux et les poutres, où la résistance en compression est fixée à 10 mégapascals, les composants de couches-culottes peuvent remplacer au maximum 27 % du poids de sable. Dans les murs, susceptibles de ne résister qu’à 2 mégapascals, la proportion peut aller jusqu’à 40 %. A l’inverse, dans la dalle constituant le sol du logement, où 8,5 mégapascals sont nécessaires, elle est limitée à 9 %. Les couches-culottes ne sont en réalité qu’une source parmi d’autres des polymères superabsorbants (superabsorbent polymers, ou SAP) qui intéressent la recherche.
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