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Les présidents sont-ils de bons modèles pour l’adoption de la vaccination ? Une étude menée en RDC fournit la réponse

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La vaccination est considérée comme l’une des interventions de santé publique les plus rentables, sauvant des millions de vies chaque année et bénéficiant à la santé de l’ensemble de la communauté grâce à l’immunité collective.

Malgré tant de raisons de se réjouir, la vigilance reste de mise. En effet, au cours de la pandémie de COVID-19, le monde a été témoin d’une forte perturbation de la vaccination de routine, entraînant une augmentation des épidémies de diphtérie, de rougeole, de polio et de fièvre jaune dans plus de 100 pays. Cela peut notamment s’expliquer par les difficultés d’approvisionnement en vaccins et la disponibilité réduite du personnel de santé en raison des politiques de confinement, de la maladie et de la réorientation des activités vers le COVID-19.

Mais l’augmentation de la méfiance envers les vaccins a également joué un rôle dans cette tendance. En effet, l’hésitation vaccinale, c’est-à-dire la réticence ou le refus de la vaccination, est un obstacle majeur à l’immunisation et une menace importante pour la santé mondiale.

Certains soutiennent que la demande de vaccins peut être activement stimulée par des campagnes de communication. S’il existe un grand nombre d’études sur ce qui doit être communiqué et sur la manière de le faire, on en sait moins sur les vecteurs de communication les plus efficaces.

Des études récentes menées aux États-Unis indiquent que la vaccination publique de personnalités politiques de premier plan peut renforcer la confiance dans les vaccins. On ne dispose en revanche pas d’analyses systématiques sur ce type de stratégie de campagne vaccinale. On ne sait pas non plus dans quelle mesure ces résultats s’appliqueraient à différents contextes.

Dans notre récente étude, nous avons entrepris de combler ces lacunes.

Nous avons étudié le cas de la République Démocratique du Congo. La confiance dans les vaccins a fortement diminué dans ce pays durant la pandémie de COVID-19. Cette situation est préoccupante, étant donné que l’Afrique est déjà à la traîne par rapport au reste du monde en termes de couverture vaccinale universelle.

Nous voulions déterminer dans quelle mesure la vaccination publique d’un président pouvait influencer l’acceptation des vaccins par le grand public.

Nos résultats nous ont permis de conclure que cette approche peut être efficace, mais à deux conditions. Premièrement, les citoyens doivent considérer le président comme étant digne de confiance. Deuxièmement, la vaccination du chef d’Etat doit être communiquée aussi largement que possible, y compris dans les zones du pays et parmi les communautés ayant un faible accès aux médias.

Faute de remplir ces deux conditions, la vaccination des chefs de village ou d’adultes respectés au sein de la communauté pourrait être une alternative plus efficace pour accroître la couverture vaccinale.

Les présidents et les vaccins

Nous avons constaté que parmi 173 chefs d’Etat, 168 dirigeants ont explicitement soutenu la campagne de vaccination COVID-19, 139 (80 %) ont rendu publique leur propre vaccination COVID-19 et 108 d’entre eux (78 %) ont communiqué leur vaccination au travers d’une photo ou d’une vidéo.

Le président de la RDC, Félix Tshisekedi, a reçu son vaccin COVID-19 en direct à la télévision congolaise le 13 septembre 2021.

Les taux de vaccination dans le pays étaient alors extrêmement faibles. En mars 2022, seuls 5,7 % de la population avaient reçu au moins une dose de vaccin et 1,03 % seulement était complètement vacciné. Un certain nombre de facteurs expliquent ces faibles taux :

  • une faible confiance dans les vaccins COVID-19

  • une combinaison de services de santé limités, d’infrastructures de transport médiocres et d’inquiétudes quant à la sécurité du vaccin AstraZeneca, ce qui a rendu la RDC incapable d’utiliser la majorité des 1,7 millions de doses de vaccin qu’elle a reçues dans le cadre du programme mondial Covax pour les pays les plus pauvres.

  • des problèmes de gouvernance plus larges, notamment la corruption endémique et l’instabilité politique.

La République démocratique du Congo est classée au bas de l’échelle de l’indice de développement humain, occupant la 180eme place du classement (sur 193). Cela indique de faibles niveaux de santé, d’éducation et de revenus. Notre recherche se concentre sur l’Est du pays, une région en proie à la violence et à l’instabilité depuis plus de deux décennies.

En outre, la région était en proie à une épidémie du virus Ebola lorsque la crise de COVID-19 a frappé.

Dans ce contexte, nous avons analysé dans quelle mesure le président Tshisekedi était capable d’agir en tant qu’ambassadeur du vaccin et d’influencer l’adoption du vaccin COVID-19.

En septembre 2021, nous avons mené une enquête auprès de 600 personnes dans six villages du territoire de Lubero, dans la province du Nord-Kivu. Lubero est une région isolée et essentiellement rurale, dotée d’une infrastructure publique médiocre et d’un accès limité aux médias ou aux organes d’information. Les vaccins COVID-19 n’étaient pas encore disponibles dans la zone au moment de notre étude.

Notre enquête a commencé avant que Tshisekedi ne soit vacciné.

Nous avons posé la question suivante aux participants de l’étude: “Supposons qu’un vaccin contre le coronavirus soit disponible pour vous. Le prendriez-vous ?”.

Alors que 98 % des personnes interrogées ont déclaré avoir vacciné leurs enfants contre des maladies telles que la tuberculose, la polio ou la rougeole, seules 22 % ont indiqué qu’elles accepteraient un vaccin contre le COVID-19.

Les réponses aux questions ouvertes nous ont appris que ce décalage s’explique en grande partie par le manque de confiance général des personnes interrogées dans le vaccin COVID-19 et dans son efficacité, ainsi que par la crainte d’effets secondaires potentiellement mortels.

Nous avons également constaté un faible niveau de confiance institutionnelle. Seules 17 % des personnes interrogées ont indiqué qu’elles faisaient confiance au président lorsqu’on leur a demandé dans quelle mesure elles pensaient qu’il représentait les meilleurs intérêts de la population congolaise.

Les personnes interrogées ont également indiqué qu’elles ne possédaient pas systématiquement un téléphone et qu’elles avaient peu accès aux médias. Au cours de la semaine précédant l’enquête, à peine 9 % des personnes interrogées ont regardé la télévision et 43 % ont pu écouter la radio.

Avant d’être interrogés sur l’acceptation du vaccin COVID-19, un tiers des répondants, sélectionnés au hasard, ont été exposés au message suivant: “Supposons que le président, Félix Tshisekedi, prenne le vaccin en direct à la télévision”.

Nous avons mesuré l’impact de cette incitation en comparant l’acceptation déclarée du vaccin par les personnes interrogées à celle d’un groupe de contrôle sélectionné au hasard n’ayant pas été exposé à ce scénario. Nous avons alors constaté que la confiance pondérait les résultats. Pour ceux ayant déclaré faire confiance au président, nos résultats montrent que ce scénario hypothétique présenté aux répondants avait augmenté l’acceptation des vaccins de 25 points de pourcentage. En revanche, pour les personnes se méfiant du président, l’acceptation du vaccin était plus faible de 6 points de pourcentage parmi ceux ayant été confrontés au scénario présenté.

À notre grande surprise, le président s’est fait vacciner publiquement pendant que notre enquête était en cours. Étant donné le faible accès aux médias dans notre région d’étude, seuls 18 % des personnes interrogées après la diffusion de la vaccination de Tshisekedi ont déclaré en avoir eu connaissance. En comparant des personnes interrogées ayant des profils socio-économiques, un accès aux médias et des niveaux de confiance similaires, nous avons constaté que le fait d’être au courant de la vaccination du président augmentait l’adhésion aux vaccins de 20 points de pourcentage.

Implications politiques

Nos résultats soulignent que pour servir de modèle de vaccination :

  • le dirigeant doit être perçu comme digne de confiance par les citoyens

  • la vaccination doit être largement diffusée.

Lorsque la confiance dans les dirigeants nationaux fait défaut ou que les informations sur leurs actions sont inaccessibles, d’autres types de personnalités publiques pourraient être plus efficaces pour stimuler l’acceptation vaccinale.

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