Vendredi 3 novembre à 18h, à la librairie Le, Dominique Nédellec, traducteur de portugais basé à Lisbonne puis à Figeac témoignera de sa pratique.
Sans les traducteurs, vous n’auriez sans doute jamais connu Homère, Shakespeare, Cervantès, Jack London, Patricia Highsmith, Fernando Pessoa, ou Harlan Coben. Car ces travailleurs discrets permettent à la littérature de s’exporter au-delà de ses frontières. Dominique Nédellec témoigne de l’exercice de ce métier, pas aussi simple qu’il y paraît…
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Dans quelles circonstances êtes-vous devenu traducteur ?
En 2002 j’ai démissionné du poste que j’occupais en France pour aller m’installer à Lisbonne. Un projet plutôt romantique. Contrairement à ce que j’avais prévu un peu naïvement, je n’ai pas trouvé de travail chez des éditeurs ou des libraires (j’avais une expérience professionnelle de plusieurs années dans le secteur du livre). Il fallait que je gagne ma vie. La traduction m’est apparue comme une bonne solution. J’ai d’abord fait beaucoup de traduction dite pragmatique pour des agences, des entreprises, des institutions. Puis j’ai commencé à traduire de la littérature, ma passion première. J’ai fait des propositions spontanées à des éditeurs, qui ont été acceptées ; les projets se sont enchaînés ; ensuite, ce sont les éditeurs qui ont commencé à me contacter. Depuis 2009, je ne fais plus que de la traduction littéraire.
Quels sont vos rapports avec les auteurs que vous traduisez ?
» Traduire, c’est créer pour mieux recréer » Romain Boutillier
Toute la gamme est possible : il y en a certains qui n’ont jamais répondu à mes messages (le fait qu’ils soient morts depuis longtemps n’est peut-être pas sans rapport avec cette situation) ; d’autres sont très généreux quand il s’agit de m’éclairer sur des situations épineuses ; certains sont devenus des amis chers.
Quelles sont les libertés que vous vous autorisez en tant que traducteur ?
Traduire, c’est faire des choix à chaque seconde, c’est créer pour mieux recréer. Or, nulle création n’est possible sans liberté. La traduction est une forme d’écriture sous contraintes : on doit faire l’expérience de sa liberté, dans un cadre délimité (par l’original, notamment). Mais il faut bel et bien faire preuve d’un minimum d’autonomie, d’audace. Sinon, on risque d’en rester à ce que Larbaud désignait comme du » mot à mot insipide et infidèle à force de servile fidélité « . Une traduction trouve sa forme définitive quand la date de remise inscrite dans le contrat signé avec l’éditeur est arrivée. Sans cette date, on pourrait chercher à l’infini d’autres solutions, d’autres versions possibles.
» Chaque auteur digne de ce nom invente sa langue et creuse un écart avec la langue standard. C’est cet écart qu’il faut arriver à rendre également en français. «
Pour vous qu’est-ce qu’une » bonne » traduction ?
Une bonne traduction, c’est une traduction cohérente, avec un parti pris réfléchi et des choix affirmés. C’est une traduction » à bonne distance » de l’original : elle ne doit pas servilement coller au texte de départ (le résultat serait plat, sans saveur, emprunté) ; elle ne doit pas non plus le défigurer avec des écarts mal contrôlés, au point de le rendre méconnaissable. Une bonne traduction doit rendre justice à la langue particulière que s’est créée l’auteur de l’œuvre originale, sans la lisser, sans en neutraliser l’étrangeté éventuelle, au besoin en bousculant la langue d’arrivée. Chaque auteur digne de ce nom invente sa langue et creuse un écart avec la langue standard. C’est cet écart qu’il faut arriver à rendre également en français.
Certains des romans que vous avez traduits Jusqu’à ce que les pierres deviennent plus douces que l’eau ou Journal de la chute vous ont obligé à cohabiter avec des personnages assez tourmentés et à restituer leur manière de s’exprimer. Êtes-vous changé par ces » mauvaises fréquentations » ?
Tout à fait, mes proches ne me reconnaissent plus depuis que je fais ce métier. Beaucoup se sont même détournés de moi.
Traduire demande non seulement de maîtriser la langue de l’auteur mais aussi de connaître les possibilités de sa propre langue ; êtes-vous un grand lecteur ?
C’est un point crucial : impossible de traduire sans être lecteur. À chaque instant, dans le flux de son travail, le traducteur doit faire des choix, trouver des solutions, en piochant dans ses réserves lexicales, stylistiques, dans son » stock intérieur « , dans sa » bibliothèque neuronale « . Pour ne pas être en rupture de stock et disposer de ressources à tout instant, il faut sans cesse alimenter ce fonds par des lectures ou des relectures, tous azimuts. Le traducteur faisant feu de tout bois, tout est bon à prendre, il faut lire de tout, dans tous les genres, tous les registres de langue.
Le développement de l’I.A. (Intelligence Artificielle) ne risque-t-il pas de porter un coup fatal à votre profession ?
Pour la communication courante, la publicité, l’information brute, ces systèmes de traduction sont déjà extrêmement performants, mais loin d’être infaillibles et posent des problèmes éthiques gigantesques (à la mesure des profits qu’espèrent en tirer ceux qui les développent). Pour la traduction d’œuvres littéraires dignes de ce nom, rien ne remplacera la richesse et la finesse du travail d’un être humain.
Quels sont vos projets ?
Un parmi d’autres : poursuivre la traduction de l’œuvre d’un génie des lettres portugaises, António Lobo Antunes. Ma neuvième traduction de cet auteur sortira début 2024. Un auteur éblouissant qu’aucune machine prétendument intelligente n’arrivera jamais à traduire.
Le travail de Dominique Nédellec a été récompensé par le Prix Gulbenkian-Books 2015 de la meilleure traduction d’une œuvre écrite en portugais, pour Quels sont ces chevaux qui jettent leur ombre sur la mer ? d’António Lobo Antunes (Bourgois éditeur), et le Grand Prix de traduction de la ville d’Arles 2019 pour la traduction de Jusqu’à ce que les pierres deviennent plus douces que l’eau, du même auteur.
Marie Cossard vous accueille à la librairie Le Vent d’autan : Place Hugues Salel à Cazals du mardi au samedi de 9 h 30 à 13 h et de 15 h à 18 h 30 et le dimanche de 9 h à 12 h 30. Tél : 09 81 91 29 26.
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