La lettre, signée du directeur départemental d’Orange dans la Charente-Maritime, a été glissée dans la boîte aux lettres de la mairie de Marennes en 2019. L’opérateur historique des télécoms est alors persuadé d’adresser une bonne nouvelle à son premier magistrat : un « Orange truck » va s’installer prochainement dans la ville afin de préparer l’arrivée de la fibre ! Le pauvre ne sait pas à quel point il se trompe. Dans la cité ostréicole, le maire, Mickaël Vallet, dirige en effet depuis plusieurs années un festival consacré… à la francophonie. Aussi renvoie-t-il le directeur à ses chères études en lui expliquant en substance ceci : « Tant que vous ne vous adresserez pas à mes administrés en français, je vous refuserai l’accès au domaine public. » Et pour faire bonne mesure, il adresse également son courrier au directeur général d’Orange d’alors, Stéphane Richard, en dénonçant un « manque de respect envers les habitants et envers la loi [Toubon sur la langue française] ». La presse ne tarde pas à s’emparer de l’affaire et l’ancien service public, contrit, finit par battre en retraite. Finalement, c’est un « camion fibre » qui s’est installé dans la localité…
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Apportons sans plus tarder cette précision à l’intention des pubeux branchés qui, par mégarde, seraient en train de lire cet article. Non, Mickaël Vallet n’est ni un nostalgique de Pétain, ni un vieux rat de bibliothèque, ni un puriste refusant par principe tout emprunt à une langue étrangère. Il est simplement hérissé de voir les commerciaux de tout poil recourir aux anglicismes par réflexe, y compris en remplaçant des mots français bien installés. Pourquoi « truck » à la place de « camion » ? Ce qui le choque davantage encore, c’est de voir les pouvoirs publics multiplier les « Choose France », « French tech », « Business France » ou « clusters »… comme il l’explique de manière percutante dans une courte intervention au Sénat consacrée aux cabinets de conseil (voir, plus bas, la rubrique « à regarder »). Il est également persuadé que cette dérive ne menace pas simplement la langue de Molière, mais, au-delà, la bonne marche de notre démocratie. « Si on ne se comprend pas, on ne peut plus débattre sereinement », alerte-t-il. Et, de vous à moi, il me semble qu’il n’a pas tort.
« Formatage de la pensée »
Le cheminement idéologique de Mickaël Vallet rend son profil politique original. Petit-fils de républicain espagnol et admirateur du général de Gaulle, cet homme de gauche trouve refuge auprès de Jean-Pierre Chevènement, avec lequel il partage un goût prononcé pour la souveraineté nationale, avant de rejoindre le Parti socialiste, en 2007. Celui qui est aujourd’hui sénateur est intimement persuadé que le langage est bien plus qu’un moyen de communiquer et recèle des enjeux politiques.
« Le globish, qui n’est même pas de l’anglais, est en fait un instrument de formatage de la pensée. Et l’usage immodéré des anglicismes crée une coupure entre le peuple et ses représentants », souligne-t-il, en se référant au sociologue britannico-allemand Norbert Elias. En étudiant les phénomènes de cour, celui-ci a démontré que les bourgeois avaient tendance à singer les us et coutumes des nobles dans l’espoir de se faire reconnaître d’eux. Le rapport avec notre sujet ? Il vient. En parlant globish, les « modernes » d’aujourd’hui se comportent comme les bourgeois de Norbert Elias hier. A ceci près que ce ne sont plus les nobles qui sont singés, mais les Etats-Unis, la grande puissance commerciale, technologique, militaire et culturelle de l’heure.
« En République, le patron, c’est le peuple »
Que l’Oncle Sam tente d’imposer sa langue pour mieux écouler ses marchandises est dans l’ordre des choses. Que les dirigeants français prêtent la main à leur principal rival commercial est aberrant. C’est cette attitude que condamne Mickaël Vallet. « Les politiques qui préfèrent la langue de leur maître américain oublient un menu détail : en République, le patron, c’est le peuple ! » cingle-t-il. De fait, le recours régulier d’une partie des « élites » à l’anglais managérial – à commencer par le président Macron, coutumier des « start-up nation », « bottom-up », « scaled up » ou « invented here »… – contribue à persuader les ouvriers, les employés, les paysans, les artisans, les petits commerçants que le chef de l’Etat ne les comprend pas et ne peut pas les comprendre. De là l’opposition relevée par le politologue Jérôme Fourquet « entre, d’un côté, le haut de la pyramide sociale, qui, grâce à ses études, raisonne avec un référentiel postnational et, de l’autre, une population dont le cadre de référence reste national, voire local. » Deux statistiques suffisent à s’en convaincre. Selon une enquête du Credoc citée dans un rapport de l’Académie française, 47 % des personnes interrogées se déclarent « agacées » par les publicités comportant des mots en anglais, tandis que 65 % jugent « utile qu’une loi garantisse l’emploi du français dans la société ».
Il y a peut-être plus grave encore. Le recours abusif aux anglicismes envoie un message implicite aux Français « coupables » de ne pas maîtriser la langue de Shakespeare. En substance : « Vous êtes des ratés, incapables de vous adapter au monde contemporain. » Une attitude que le sociologue Pierre Bourdieu qualifiait à juste titre de « violence symbolique » et qui a évidemment des conséquences politiques. « En disant au peuple qu’il est nul, on se coupe de lui et on alimente le vote RN », alerte Mickaël Vallet.
Le Rassemblement national l’a bien compris, qui ne commet jamais ce type d’erreurs. Un signe ? Pendant la campagne présidentielle de 2022, l’Académie française avait publié un rapport pour dénoncer la tendance croissante des institutions publiques à communiquer en anglais. Il avait été accueilli par une indifférence dédaigneuse par toutes celles et ceux qui étaient engagés dans la course à l’Elysée. A une exception près : Marine Le Pen.
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Langue corse : Emmanuel Macron refuse la coofficialité…
C’est non. Comme on pouvait s’y attendre, Emmanuel Macron a refusé d’accéder à la demande des nationalistes de rendre coofficielles les langues corse et française sur l’île de Beauté. Le chef de l’Etat a toutefois promis un « service public de l’enseignement, en faveur du bilinguisme ». « Il nous faut, a-t-il ajouté, donner plus de place à la langue corse dans l’enseignement comme dans l’espace public. »
… que défend l’écrivain Patrick Chamoiseau pour la Martinique
Alors que le préfet de la Martinique s’oppose à la demande des élus de faire du créole la langue officielle de l’île au côté du français, l’écrivain Patrick Chamoiseau souligne la nécessité d’accepter que les imaginaires soient multilingues.
Au Québec, communiquer en anglais peut coûter cher
Un commerce de pop-corn a dû s’acquitter d’une amende de 2 500 dollars canadiens (l’équivalent de 1 700 euros) en raison de l’absence de contenu en français sur son site Internet. La charte de la langue française prévoit en effet que les publications de nature commerciale doivent être rédigées en français. Une idée à transposer en France ?
Michel Sardou : « Les anglicismes, c’est chiant ! »
« Les anglicismes, ça vous agace ? » « Oui, c’est chiant. On peut très bien vivre en français. » Ainsi répond Michel Sardou à une question du Journal de Québec sur l’avenir de la musique francophone. Avant d’ajouter : « Vous écoutez les chaînes d’info en continu, ça vous cite en anglais une phrase sur deux pour expliquer une situation. Pourquoi ? On a une langue, on s’en sert. Elle est belle. »
Ne dites plus « replay », mais « rattrapage »
La commission d’enrichissement de la langue française vient de publier une série de nouveaux termes au Journal officiel consacrée aux arts visuels, à la culture littéraire et audiovisuelle et aux questions de société. Parmi ses préconisations : « coécriture » au lieu de « co-authoring » ; « animateur graphique » au lieu de « motion designer » ou encore « rattrapage » pour « replay ». Tous ces équivalents sont à retrouver sur le site FranceTerme, qui en recense environ 9 000.
Prénom Fañch : nouvelle interdiction préfectorale à Lorient
En juin, le maire de Lorient, Fabrice Loher, avait signé l’acte de naissance d’un petit Fañch avec un tilde sur le n. Le procureur de la République de Lorient a depuis demandé aux parents le retrait de ce ñ, en s’appuyant sur une décision du Conseil constitutionnel de 2021. Le ñ est pourtant attesté en français, par exemple dans… l’ordonnance de Villers-Cotterêts. Il figure également dans les dictionnaires contemporains, notamment aux entrées « doña », « cañon », « señor » ou « señorita ».
Une nouvelle langue indo-européenne découverte en Turquie
Une nouvelle langue indo-européenne aurait été découverte lors de fouilles à Hattousa, la capitale du royaume des Hittites entre 1600 et 1200 avant Jésus-Christ. Ce peuple enregistrait des traités, des décrets et des prières sur des tablettes d’argile. La plupart de ces documents ont été écrits en hittite, mais d’autres langues ont été utilisées, dont une, cachée à l’intérieur d’un texte rituel, était jusqu’à ce jour totalement inconnue.
La véritable histoire de l’arobase
Professeur de paléographie à l’Ecole nationale des chartes, Marc H. Smith retrace l’histoire du signe @, désormais omniprésent dans nos communications électroniques, depuis le Moyen Age jusqu’à nos jours. Un cas insolite et exemplaire de l’évolution des signes écrits.
La Véridique Histoire de l’arobase, par Marc Smith (éd. Ecole nationale des chartes).
Polynésie : un comité de noms mā’ohi pour revoir l’appellation de certains lieux
En Polynésie, un comité des noms mā’ohi vient d’être mis en place pour mener des recherches et corriger les « erreurs de transcription » dans la toponymie, qu’il s’agisse de noms de rivières, de baies, de parcelles de terre ou de lieux-dits. Le gouvernement tahitien veut aussi lancer l’année prochaine une version en reo du site juridique Lexpol.
Fermeture du Goethe-Institut de Strasbourg : un coup porté au bilinguisme franco-allemand
A la recherche d’économies, le Goethe-Institut a décidé de fermer 9 de ses 158 sites, dont celui de Strasbourg. Un mauvais signal pour les défenseurs du bilinguisme Français-Allemand, les politiques réagissent. Un choc pour les défenseurs du bilinguisme franco-allemand.
À ÉCOUTER
Amin Maalouf, contre l’écriture inclusive, pour les langues régionales
Amin Maalouf, tout nouveau secrétaire perpétuel de l’Académie française, se déclare opposé à l’écriture inclusive. En revanche, il se montre relativement ouvert sur les langues régionales. « Les défis auxquels fait face la langue française ne viennent pas de ces langues. Ce sont des langues sœurs », a-t-il ainsi déclaré sur France Inter. Il a également rappelé qu’il avait consacré un livret d’opéra aux troubadours.
À REGARDER
Le sénateur Mickaël Vallet fustige l’utilisation du « globish » par les cabinets de conseil
Remarquable intervention à la tribune du Sénat de l’élu de la Charente-Maritime Mickaël Vallet. Dans une intervention aussi courte que juste, il s’en prend au volapük des cabinets de conseil – sans pour autant se montrer puriste.
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