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Rima Hassan : comment la France insoumise a créé Lady Gaza

, Rima Hassan : comment la France insoumise a créé Lady Gaza

Elle avance, escortée par un cordon de sécurité de gros bras. La foule s’écarte sur son passage. Pour un peu elle se prendrait pour Moïse guidant son peuple au milieu de la mer Rouge… Ce jeudi soir, avenue du Général-Lafont, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), Rima Hassan est en majesté. Quelques heures plus tôt, la nouvelle égérie du parti mélenchoniste a lancé un appel au rassemblement devant les locaux de la première chaîne pour protester contre l’interview du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou. 

Quelque 2 500 personnes ont répondu présent malgré une pluie battante. Les forces de l’ordre barrent les différents accès à la tour TF1. Pas grave, Rima Hassan se rabat sur le perron d’un gymnase à une centaine de mètres. À ses côtés, les députés insoumis Louis Boyard, Thomas Portes ainsi que Stéphane Delogu, exclu deux semaines de l’Assemblée pour avoir brandi un drapeau palestinien dans l’hémicycle. « Israël assassin, TF1 complice ! » lance la foule en contrebas, avant de scander le nom de la jeune femme sur l’air des lampions : « Ri-ma ! Ri-ma ! » Contactée par le JDD, la première chaîne n’a pas souhaité faire de commentaire.

Autour de nous, un public divers : jeunes et moins jeunes, femmes voilées pour certaines, adolescents des cité, lycéens ou khâgneux. Et, un peu à l’écart, des hommes vêtus de noir, arborant de longues barbes, à la façon des islamistes radicaux. Les keffiehs et les drapeaux palestiniens sont partout. Alors que nous échangeons avec des militants, des hommes au regard sombre et insistant nous fixent, menaçants. La présence du JDD alerte ce pseudo service d’ordre. Plusieurs d’entre eux nous encerclent avec la volonté évidente de nous menacer. Mieux vaut s’éloigner. 

Méconnue il y a encore quelques mois, Rima Hassan émerge dans l’espace médiatique avec les attaques du 7 octobre et la résurgence du conflit israélo-palestinien. Mais son combat remonte à plus loin. « Ma famille a été expulsée de Palestine en 1948 », répète-t-elle à l’envi, un storytelling aux faux airs de conte des Mille et Une Nuits. Sa grand-mère maternelle, issue d’une grande famille bourgeoise syrienne, a renoncé à son héritage pour épouser son grand-père, un paysan palestinien du camp de Neirab, en Syrie. C’est là que la fillette grandit, jusqu’à l’âge de 10 ans. 

De cette enfance, elle a perdu jusqu’à la langue, l’arabe. À Niort, la famille est un modèle d’intégration. Ses camarades dépeignent une jeune femme travailleuse. Pas du genre à bloquer le lycée, même si déjà elle cultive la fibre de l’engagement. 

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La défense de la cause se confond avec le besoin de notoriété

Diplômée en droit international à la Sorbonne, elle se lasse de sa thèse sur les réfugiés et préfère créer l’Observatoire des camps de réfugiés (OCR), dont elle devient la présidente. En parallèle, elle travaille comme rapporteur à la Cour nationale du droit d’asile. Premières interventions dans les médias. Elle s’expose peu à peu dans le débat public, participe à une campagne gouvernementale de promotion de l’intégration. « L’intégration ne se dicte pas, elle se vit », déclare fièrement la jeune femme dans un clip.

La défense de la cause se confond bientôt avec le besoin de notoriété. C’est par l’entremise d’une journaliste que la future égérie de la cause palestinienne signe en juin 2023 un contrat avec les éditions des Équateurs pour un « témoignage de vie », selon le patron de la maison, Olivier Frébourg. La mystérieuse fondation suisso-tunisienne Kamel-Lazaar la prend sous son aile et lui accorde une généreuse aide de 10 000 euros. Près d’un an plus tard, le manuscrit est en stand-by. Rima Hassan semble davantage concentrée sur son exposition médiatique, s’appuyant sur l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) qui s’est illustrée le 7 octobre en saluant une « opération militaire du faible contre le fort ».

Son entrée dans l’atmosphère de La France insoumise a lieu à l’occasion des « Amphis », les universités d’été du mouvement, fin août 2023. Celle qui se présente comme la fondatrice de l’Observatoire des camps de réfugiés participe à une conférence intitulée « Israël-Palestine : après 75 ans de conflit, comment agir pour la paix ? » À la tribune, la militante reprend des déclarations choc attribuées aux grandes figures d’Israël. « Nous devons expulser les Arabes et prendre leur place », aurait déclaré David Ben Gourion, le fondateur de l’État hébreu. En réalité, cette phrase, prétendument extraite d’une lettre à son fils Amos datant du 5 octobre 1937, est un faux. La négation ayant été retirée de la citation originale qui exprimait l’exact contraire : « Nous ne devons pas expulser les Arabes et prendre leur place. » Qu’importe les faits, seul compte l’effet.

Entre Hassan et Mélenchon, les intérêts sont bien compris

Pour la jeune femme qui se défend de « faire carrière », l’amplification du conflit est un vent porteur. Au lendemain du 7 octobre, elle fonde le collectif Action Palestine France (APF), qui « n’a pas vocation à être récupéré ni par une organisation ni par un mouvement politique », selon l’un des premiers messages diffusés sur le canal Telegram. Pourtant, dès le mois suivant, la pasionaria palestinienne assume l’alliance avec LFI : elle s’affiche à Tunis lors du fameux débat modéré par Taha Bouhafs aux côtés du député du Nord David Guiraud, dont les propos désinvoltes sur les « bébés dans le four » provoquent un tollé. Moins médiatisée est la position victimaire de la jeune femme qui, depuis l’autre rive de la Méditerranée, multiplie les assertions contre le pays où elle a grandi : « C’est extrêmement violent pour moi d’être en France, extrêmement violent. Parce que j’ai fait face à des discours génocidaires. » On retrouve une fois encore la Fondation Kamel-Lazaar, généreux sponsor d’Hassan, derrière l’organisation de cette conférence.

Icône intouchable

Puis vient la rencontre avec le chef insoumis. Jean-Luc Mélenchon, flanqué de ses lieutenants, Paul Vannier et Mathilde Panot, retrouve Rima Hassan dans un restaurant parisien. Le début d’une relation de plus en plus étroite, au fil des mois, entre la jeune femme et le patron des Insoumis qui finit par agacer une partie de son entourage. Sophia Chikirou n’a plus accès à l’oreille du chef. Elle s’en plaint lors d’un déjeuner à la buvette de l’Assemblée. En quelques semaines, Rima Hassan est devenue une icône intouchable. Lors des manifestations, elle apparaît keffieh au cou ou avec une veste qu’elle décrit sur son compte X comme « confectionnée avec des keffiehs brodés dans le camp de Jerash à Gaza ». En fait, le camp en question se situe en Jordanie. Quant à la veste, Rima l’a choisie après avoir assisté au défilé de mode masculine automne-hiver de GmbH, à la Fashion Week. 

En mars, Hassan est placée en septième position sur la liste conduite par Manon Aubry. Elle s’impose comme la véritable incarnation de la campagne des Insoumis, tout en entretenant ses propres réseaux. Le collectif Action Palestine France, qu’elle a fondé et qu’elle dirige toujours, contrevient à son principe de neutralité politique : compte tenu de « la gravité de la situation », il appelle à « partager massivement » le visuel avec le hashtag #SoutienRima. Depuis lors, le collectif est indissociable de la figure de sa fondatrice, qu’elle utilise à l’envi comme arme de mobilisation.

La militante, parfois hésitante avant le 7 octobre, gagne rapidement en assurance et en notoriété, au point de devenir le visage de Gaza dans cette campagne européenne. Qu’importe si « la palestinisation » de cette élection ne se mesure pas en bulletins de vote le 9 juin, Jean-Luc Mélenchon plante ses graines pour l’avenir. « Il ne cherche pas à se rendre sympathique aux yeux de l’opinion, mais à accroître son assise auprès de l’électorat musulman des quartiers et de la jeunesse radicalisée en vue de 2027 », analyse un ancien compagnon de route. Rima Hassan, à travers cette cause-étendard, lui permet de jeter un pont et d’attirer à lui de nouveaux électeurs. Pour capter, il faut cliver. Et pour cliver, rien de tel que la radicalité. 

« Israël est une monstruosité sans nom », écrivait-elle encore quelques jours après la frappe meurtrière sur un camp de réfugiés de Rafah. Radicalité encore lorsqu’elle reprend à son compte le slogan From the river to the sea, Palestine will be free (« Du fleuve Jourdain, à l’Est, à la mer Méditerranée, à l’Ouest, la Palestine sera libre »), signifiant de facto la disparition d’un foyer national juif. Rima Hassan évoque une autre lecture du slogan, qui serait en fait un appel à l’égalité des peuples au sein d’un État binational laïc, en complète contradiction avec ses messages sur X. Comme lorsqu’elle publie une vidéo d’un drapeau palestinien au vent accompagné de ce message : « Il était là avant vous, il sera là après vous. » Alors, antisémite Rima Hassan ? Pas fondamentalement, assure une amie d’enfance, même si « cultiver l’ambiguïté fait partie de sa stratégie de communication ».

Qu’elle soit élue ou non le 9 juin, un observateur avisé lui promet un grand avenir : « Elle a pris une place trop importante dans le dispositif pour aller s’enterrer à Strasbourg. » Certains Insoumis ont la désagréable impression de s’être fait voler leur campagne : « Vous nous avez beaucoup entendus sur l’assurance chômage ? » regrette l’un d’eux. « Sans doute suis-je un peu dépassé », ajoute-t-il. Ou totalement ringardisé. La révolution dévore toujours ses enfants – à LFI, on ne le sait que trop bien.

Certains ne se font guère d’illusions sur sa fidélité au parti auquel elle n’a d’ailleurs pas adhéré : « Élue ou pas, elle poursuivra ses activités associatives en faveur de la Palestine », avance une cadre. 

Entre Hassan et Mélenchon, les intérêts sont bien compris : elle lui apporte des voix, il lui offre un tremplin. Un plan de carrière suspendu toutefois aux résultats des élections européennes et à l’intensité du conflit : « Si la guerre Israël-Hamas ne fait plus la une des médias, ça s’arrête aussi pour elle », décrypte un cadre socialiste. Que restera-t-il, dès lors, de la« Rima-mania ». Sollicitée par le JDD, Rima Hassan a refusé de répondre « à la médiocrité » que lui inspirent souvent ses contradicteurs, et justifie ainsi de ne pas avoir à s’expliquer.


En chiffres sur X :

Depuis le 20 avril, Rima Hassan a écrit : 

  • 220 tweets sur Gaza, Israël, la Palestine (conflit Proche-Orient)
  • 72 tweets sur des sujets divers (campagne LFI, meetings, Ouïghours, Algérie, Nouvelle-Calédonie, déboires judiciaires)
  • 0 tweet sur l’Europe

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