Zep, le dessinateur qui ne se résume pas à Titeuf – lematin.ch

Zep est devenu l’un des auteurs de BD ayant le plus de succès de l’histoire du genre. Tout ça grâce à un gamin à la mèche blonde dont les albums se sont vendus à des millions d’exemplaires de par le monde: Titeuf. Il aura fallu attendre quelques années avant que l’auteur genevois n’explore d’autres univers, mais toujours avec le même dessin humoristique, que ce soit «Les filles électriques», «L’enfer des concerts» ou, destiné uniquement aux adultes, «Happy Sex».

Ce n’est que 21 ans après la naissance de Titeuf que Zep a osé radicalement changer de style dans «Une histoire d’hommes», en 2003. Depuis, il alterne un album de Titeuf avec un one-shot réaliste. Dans ce grand et beau livre d’entretiens avec le journaliste Romain Brethes, «Dessiner le monde», l’auteur genevois revient sur son parcours et explique son approche de la BD.

Richement illustré, avec de nombreux inédits (mais quasi pas de Titeuf, avis à ceux qui ne sont fans que du gamin), le livre montre l’étendue du talent de Zep et l’évolution de son processus créatif. Se cherchant un style en copiant celui des autres au début, il finit par trouver le sien avec Titeuf.

Pas évident ensuite d’en changer. Il explique dans l’ouvrage ses doutes et l’impossibilité pour lui de faire du réalisme sans modèle. Mais celui qui n’aimait pas dessiner les décors a appris à croquer ce qui l’entourait avec les arbres. Il apprivoise le monde dans ses magnifiques carnets de croquis.

Il est fini le temps où des auteurs restaient emprisonnés par leur héros, comme Morris avec Lucky Luke ou, évidemment, Hergé avec Tintin. Zep a connu la gloire avec Titeuf mais ose faire autre chose. Simplement parce qu’il est un grand auteur. Jean Giraud m’avait dit un jour, devant un album de Titeuf: «Zep a un génie comique». D’ailleurs, en parlant de Giraud, lui signait Moebius quand il passait de Blueberry à la science-fiction. Zep n’a pas besoin de changer de nom pour passer d’un style à l’autre.

Si ses albums réalistes s’adressent à un lectorat plus adulte, n’oublions pas qu’il a su toucher tous les publics avec Titeuf grâce à son sens de l’observation du monde et à la façon qu’il a de l’appréhender. Alors oui, Zep dessine le monde, mais la vision qu’il en a séduit le plus grand nombre.  Lire ses réflexions dans ce livre et admirer sa palette graphique apporte encore un éclairage nouveau à son œuvre.